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PAULHAN.finalité des éléments psychiques

ajoute qu’il a pu relever au moins trois autres cas dans lesquels l’hérédité a joué aussi un rôle important[1]. On trouve aussi dans l’ouvrage de M. Ribot un certain nombre de faits analogues[2].

On pourrait rapprocher de ces faits, à d’autres points de vue, la mémoire qui se continue quelque fois d’un rêve à l’autre, et souvent d’un accès de somnambulisme naturel ou artificiel à l’autre, ainsi que la ressemblance des accès de folie ou d’épilepsie chez un même sujet, mais nous avons à revenir sur ces faits en examinant les formes plus complexes de systématisation mentale. Il vaut mieux pour le moment résume ce qui précède et en indiquer la portée et les conséquences. Toutefois, il n’est pas inutile de dire auparavant quelques mots d’une question traitée par les aliénistes, mais qui intéresse notre sujet et dont il faut au moins interpréter les données.

On sait que la doctrine de la monomanie, fondée par Esquirol, admettait que l’esprit pouvait être troublé sur un point seulement ; le malade était sain, sauf en ce qui concernait une idée particulière et ce qui s’y rattachait. Il n’est pas besoin de faire remarquer combien cette idée, si elle était juste, appuierait la théorie de l’indépendance fonctionnelle possible des systèmes psychiques. Mais on l’a, depuis Esquirol, fortement attaquée ; on a admis que, quand bien même le délire semblait localisé, l’esprit tout entier était en réalité malade. Inutile de dire que je n’ai pas à prendre parti dans la discussion en tant qu’elle concerne la médecine mentale, mais il faut voir ce que nous pouvons retenir pour la psychologie. En fait, il ne paraît pas douteux actuellement que le désordre de l’esprit est plus général qu’il ne semble, un délire partiel suppose bien, au moins, un trouble général qui se marquerait dans ce fait que les autres systèmes psychiques, ceux qui sont ou semblent sains, ne jouent pas le rôle de réducteurs, pour employer une expression de M. Taine, qu’ils devraient jouer, ils ne peuvent arrêter, enrayer le système morbide. D’ailleurs, « plus on approfondit le problème, dit M. Ball, plus on demeure convaincu que les manifestations psychologiques de la folie constituent un ensemble dont on ne saurait logiquement démembrer les parties ». Mais le même auteur ajoute : « Il n’en est pas moins vrai que, dans certaines formes de délire, les aberrations mentales se groupent autour d’un centre commun et constituent une prédominance en faveur de certaines idées, de certaines tendances qui semblent absorber, pour ainsi dire, tout ce qui les entoure et imposent une sorte de conscription forcée à toutes les facultés de l’individu. Le délire ambitieux, le

  1. Galton, Inquiries into human faculty, p. 140 et 151.
  2. Ribot, de l’Hérédité.