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Mais des phénomènes analogues se passent dans les autres domaines de la vie psychique. Ouvrons un livre et prenons une phrase quelconque, celle-ci, par exemple : « La science des étoiles a eu son berceau près du berceau même du genre humain, dans les belles plaines de Sennaar. » Ces mots mis à la suite les uns des autres éveillent en nous diverses idées qui s’associent et forment un tout ; il y a dans ce fait de lire une phrase en la comprenant une véritable synthèse psychique. Ces idées ainsi associées peuvent en éveiller d’autres, l’esprit, s’il s’arrête sur la phrase, se met en branle et travaille ; nous pouvons remarquer par exemple cette image par laquelle le lieu où naît et commence à se développer une science s’appelle berceau, ainsi que le lieu où commence à se développer un homme. Nous pouvons remarquer à un autre point de vue qu’il est bien douteux que l’humanité ait eu son berceau dans les plaines de Sennaar ; enfin d’autres idées ou des images qu’il serait trop long et inutile d’énumérer peuvent s’éveiller encore, il se forme ainsi des enchaînements d’idées et des systèmes divers et changeants ou qui se compliquent de plus en plus, mais il faut commencer par les cas les plus simples. Considérons donc seulement le fait de lire et de comprendre une phrase.

Je suis chez moi, me préparant à sortir. On me dit : « Le temps est sombre, il va pleuvoir. » Ces mots éveillent en moi un système d’actes psychiques déterminé qui, selon qu’il s’accordera plus ou moins avec mon état mental présent, aboutira à des mouvements coordonnés qui constituent l’acte de prendre un parapluie ou à ces autres mouvements coordonnés qui constituent le fait de vérifier ce qu’on me dit ou de demander une confirmation. Si étant allé quelques moments avant à la fenêtre j’avais vu le ciel clair et senti un air vif, je serais surpris et le nouveau système éveillé se combinerait avec cet état antérieur pour me porter à aller encore à la porte ou à la fenêtre vérifier le temps ; si j’avais senti le temps lourd, le système nouveau aboutirait à l’acte sans trouble ; il en est de mème si je suis préoccupé, je puis obéir machinalement à la suggestion sans vérification ni doute. Dans tous ces cas nous voyons un exemple d’un système psychique d’images, d’idées abstraites, de nouvements suscité par un système de sons. Il y a une véritable synthèse spontanée des éléments psychiques divers qui préexiste en nous ou du moins dont les conditions principales préexistent.

Ces composés psychiques varient évidemment selon les éléments qui les forment, et selon la forme propre qu’ils affectent. Ils varient, par exemple, selon qu’ils sont formés d’idées et de sensations, ou d’images de telle ou telle nature et d’impulsions motrices, etc. ; ils varient aussi selon que les éléments qui les constituent se coordon-