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sidérer les atomes eux-mêmes comme des systèmes d’éléments, sans doute ces atomes qui sont déjà peut-être quelque chose d’aussi compliqué que le système solaire[1] se combinent encore soit avec des atomes semblables pour former les molécules de certains corps simples, comme le mercure, soit avec des atomes différents pour former les molécules des corps composés ; mais à la molécule s’arrête l’organisation, ce n’est que lorsque les molécules chimiques entrent dans des êtres vivants que leurs rapports harmoniques se multiplient et se développent. Les phénomènes psychiques, au contraire, sont essentiellement réunis en des systèmes de plus en plus vastes, la sensation est partie du système qui aboutit à la contraction coordonnée de plusieurs muscles ; cette contraction coordonnée, cet acte est en même temps partie intégrante d’un tout plus complexe qui est la fonction sociale d’un individu, cette fonction sociale de l’individu est un élément de ce tout plus complexe qui est l’individu lui-même, et l’individu est un élément du système social dont il fait partie, qui lui-même est plus ou moins étroitement lié à d’autres systèmes semblables. Si nous comparions la société à une molécule chimique, l’atome représenterait l’individu, et la psychologie serait quelque chose comme l’étude de certains éléments dont sont composés les atomes. D’autre part, nous voyons que l’étude des sociétés comprend tous les hommes, et qu’il n’y a guère de société qui vive isolée. C’est le contraire pour les molécules chimiques. Tous les systèmes d’atomes vivants qui constituent des molécules paraissent exister chacun pour soi et sans rapport de finalité avec les autres. Sans doute il y a de l’ordre, c’est-à-dire de l’harmonie et de la finalité, dans les lois des combinaisons chimiques, mais les produits de ces combinaisons ne sont guère en rapport entre eux et ne paraissent soumis à aucune loi de finalité, sauf quand l’ho mme intervient pour les faire entrer dans une combinaison quelconque ou quand ils pénètrent dans un organisme vivant. Les milliards d’atomes qui constituent l’air et qui sont mélangés, non combinés, sont évidemment soumis à des actions communes, quand le vent souffle par exemple ; leur action combinée peut se manifester par des résultats visibles, mais cette action simultanée, et qu’on ne peut même appeler coordonnée, ne leur est pas essentielle. Si au contraire l’oxygène est respiré par un animal, il entre aussitôt dans un système d’actions et de réactions chimiques, qui entrent elles-mêmes dans des combinaisons physiologiques. La nature de la coordination, de la finalité, change

  1. Voir Wurtz, La théorie atomique. Jouffret, Introduction à la théorie de l’énergie.