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LA MORALE DE KANT


I


Lorsque, dans une phrase souvent rappelée, Kant proclamait que le ciel étoilé joint à la conscience de l’homme étaient les deux objets de son admiration, si sa connaissance de l’homme avait été plus grande, il se serait probablement exprimé d’une manière un peu différente. Non, certes, que la conscience de l’homme ne soit pas assez merveilleuse, quelque origine qu’on lui suppose ; mais l’étonnement qu’elle inspire est de nature différente suivant que nous admettons qu’elle a été un don surnaturel, ou que, par inférence, nous voyons en elle un produit naturel d’évolution. La science de l’homme, dans la large acception que lui donne l’anthropologie, n’avait fait, au temps de Kant, que peu de progrès. Les livres de voyages étaient relativement en petit nombre ; les faits qu’ils contenaient sur l’existence à différents degrés de l’esprit humain n’avaient pas encore été réunis et généralisés. De nos jours, la conscience de l’homme, telle que l’induction nous la fait connaître, n’a rien de cette universalité de présence et de cette unité de nature que la phrase de Kant lui reconnaît implicitement. Sir John Lubbock écrit :

« En fait, je crois que les races inférieures peuvent être considérées comme dépourvues de toute idée du droit…., qu’il y eût des races aussi dépourvues de sens moral, cela était en contradiction formelle avec les idées préconçues que j’apportais au début de mes études sur la vie sauvage, et je ne suis arrivé à cette conviction que lentement, par degrés, et non sans résistance. » (Origin of civilization, p. 269.)

Maintenant, examinons les faits probants qui ont fait naître cette impression, tels que nous les trouvons dans les témoignages des voyageurs et des missionnaires.

Parlant de son fils mort, Tui Thahau, chef fijien, louait en terminant « son esprit audacieux et sa cruauté parfaite qui lui permettait de tuer