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déjà suffisante pour nous montrer que si la finalité n’est pas une loi absolue de l’esprit, elle n’est pas moins une loi réelle. C’est elle qui nous donne le type de l’activité mentale dans un esprit bien organisé ; la ressemblance et la contiguïté ne sont nullement par elles-mêmes des principes d’association et ne valent que par ce qu’elles peuvent quelquefois contenir de finalité.

V

Les principes d’association et de contiguïté ne sauraient expliquer les états ou les actes de l’esprit que nous venons d’examiner ; mais il est des faits où l’on ne peut nier peut-être aussi aisément l’influence de ces principes d’association. Ainsi l’on dit que certaines personnes ont la faculté d’apprendre, en lisant une fois, une série de mots qu’aucun lien de signification ne rattache. Enfin nous avons aussi à considérer les phénomènes d’ordre morbide comme les rêves, la folie, ou d’ordre particulier et qu’il n’y a pas à définir ici précisément, comme la rêverie ou les caprices d’imagination. Parmi les faits de cet ordre nous rappellerons les suivants : de simples assonances, dit M. Luys, s’appellent les unes les autres et se groupent automatiquement ensemble ; une malade citée par Parchappe faisait souvent des associations d’idées comme celle-ci : « On dit que la Vierge est folle, on parle de la lier, ce qui ne fait pas les affaires du département de l’Allier. » Trousseau a rapporté l’observation d’un malade qui avait passé trois mois à écrire tout ce qui lui venait à l’esprit sur de nombreux cahiers : tantôt la première syllabe, tantôt la seconde donnait la clef du mot suivant ; quelquefois c’était la rime ou un sens éloigné ; ainsi : « chat, chapeau, peau, manchon, main, manche, robe, jupon, pompon, rose, bouquet, bouquetière, cimetière, bière, mousse, cordage, corde à puits, fossé, etc. » (J’ai emprunté cet exemple à M. Luys.) M. Maury cite des rêves dans lesquels on peut remarquer des phénomènes analogues. Un matin, dit-il, je me rappelai que j’avais eu un rêve qui avait commencé par un pèlerinage à Jérusalem ou à la Mecque ; je ne sais pas au juste si j’étais alors chrétien ou musulman. À la suite d’une foule d’aventures que j’ai oubliées, je me trouvai, rue Jacob, chez M. Pelletier, le chimiste, et dans une conversation que j’eus avec lui, il me donna une pelle de zinc qui fut mon grand cheval de bataille dans un rêve subséquent plus fugace que les autres et que je n’ai pu me rappeler. Voilà trois idées, trois scènes principales, qui sont visiblement liées entre elles par les mots pèlerinage, Pelletier, pelle, c’est-à-dire par trois mots