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est doublé d’un moraliste que M. Dosson nous montre appréciant avec une certaine originalité les divers moments de la vie morale d’Alexandre, M. Dosson établit bien ensuite que l’influence stoïcienne se manifeste dans l’œuvre de Quinte Curce par une doctrine morale générale et par quelques théories particulières ; il a raison de dire encore que Sainte-Croix affirme sans preuve que Quinte Curce est stoïcien, de soutenir lui-même que son auteur n’est pas un stoïcien rigoureux. Il cite, pour justifier cette dernière assertion, certaines doctrines qui sont en contradiction avec celles du Portique : Quinte Curce semble admettre que l’âme et le corps sont de nature différente, il combat la divination et le droit au suicide. Peut-être faudrait-il voir en Quinte Curce un éclectique, comme le dit M. Dosson lui-même (p. 266), mais un éclectique qui, à la façon de Cicéron, admettant bon nombre des doctrines stoïciennes qu’Antiochus avait fait entrer dans l’Académie, conserve cependant quelques-unes des théories que les Académiciens avaient trouvées chez Arcésilas et Carnéade.

F. Picavet.

Thomas Carlyle. — Les héros, le culte des héros et l’héroïque dans l’histoire. Traduction et introduction par J.-B.-J. Izoulet-Loubatières. Paris, Colin, 1888, xli-381 p.. in-18.

Je n’ai rien à dire de l’œuvre de Carlyle. Je n’en pourrais pas parler assez longuement pour en parler convenablement. M. Izoulet a jugé que cette œuvre, déjà ancienne, n’avait pas perdu tout intérêt pour les hommes d’aujourd’hui, et il nous en donne une traduction excellente, dont il convient de le louer sans réserve. On sait si Carlyle est un auteur difficile, et il ne semble pas qu’on le puisse rendre autrement que l’a fait son jeune et courageux traducteur. Une courte introduction mise sous ce titre, « le Crépuscule des dieux », résume Île livre par avance et prépare à le bien lire.

La grande pensée de Carlyle était que la mort de toutes choses en ce monde, religions ou sociétés, n’est que la « mort de feu du phénix, et une renaissance en plus grand et en mieux ». Telle est aussi la pensée de M. Izoulet, et la dédicace qu’il offre à M. Renan de son travail nous explique pourquoi il a fait choix de ce livre des Héros. « En traduisant ce livre de Carlyle, dit-il au maitre, en dégageant dans une introduction l’idée profonde qui l’anime, enfin, en le plaçant sous le patronage de votre nom illustre, j’ai essayé de servir selon mes forces la cause de la libre pensée religieuse. » Son travail n’est donc pas seulement une traduction de professeur, il est sans doute le début d’un philosophe, que nous espérons retrouver plus tard dans une œuvre originale.

L. A.