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logie. Ils sont beaucoup moins trompeurs que la durée que tant de circonstances diverses (habitude, dispositions physiologiques, attente préparatoire, degré d’intelligence du sujet) peuvent faire varier dans des limites assez larges.

Les expériences si curieuses empruntées à différents auteurs ou faites par M. Romanes lui-même, qu’il a rapportées à ce sujet, ne concernent malheureusement pas l’animal et on ne peut que regretter l’absence d’une étude sur les pouvoirs perceptifs dans la série zoologique qui fasse pendant à l’étude précédente sur l’évolution des pouvoirs sensoriels. Il est certain cependant que l’aptitude à se faire une idée définie des êtres ou objets et des événements, à les reconnaître rapidement, à juger d’emblée et avec sûreté de leurs qualités spécifiques, est bien plus marquée chez les animaux supérieurs que chez les inférieurs et qu’elle croit graduellement dans toute la série ; mais il semble que le tableau des quatre phases exposées plus haut ne soit pas assez clair pour fournir des démarcations entre les différentes classes d’êtres capables de perception. Ici encore la genèse des facultés se dérobe parce que leur classement reste imparfait.

De l’imagination. — Il y a de curieuses observations et des remarques suggestives dans ce chapitre et pourtant il vaudrait mieux que M. Romanes ne l’eût pas écrit. L’imagination ne nous paraît pas exister comme faculté distincte. Elle est, suivant l’auteur, la faculté de reproduire sous forme exclusivement idéale les opérations perceptives. Ainsi quand la sensation renaît après que son objet a disparu on a l’idée de la sensation ; de même pour la perception. Spencer et Bain soutiennent que l’idée de la sensation et de la perception est le même phénomène que la sensation et la perception mêmes. M. Romanes le nie et nous ne croyons pas qu’il ait raison contre eux. Pour voir à quel point cette reconstitution de l’ancienne faculté des images ou des idées pèche contre la loi d’économie, il suffit de parcourir les quatre stades de l’imagination énumérés dans ce chapitre. On s’assurera sans peine qu’il n’en est pas un qui ne reproduise une opération déjà signalée. 1er stade : « En voyant un objet, tel qu’une orange, nous nous rappelons aussitôt le goût de l’orange, nous imaginons ce goût, et ceci est appelé par la puissance d’une association purement sensitive. » Mémoire et association des idées. — 2e stade : « Puis vient une phase dans laquelle nous formons l’image mentale d’un objet absent qui nous est suggérée par quelque autre objet ; ainsi l’eau peut nous suggérer l’idée du vin. » Association par différence et par ressemblance. — 3e stade : « À une phase plus avancée, nous pouvons former cette idée sans qu’il vienne de suggestion appréciable du dehors, comme l’amant pense à sa maîtresse,