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ANALYSES.b. münz. Lebens und Weltfragen.

M. Münz appelle ces deux manières, par lesquelles le poète-philosophe développe ses idées, la manière subjectivo-formelle et la manière objectivo-réelle. Il me faut laisser aux lecteurs à deviner le sens de ces mots qui ne me paraissent pas fort intelligibles.

Après avoir raconté et critiqué le drame d’amour, dont Lorm se sert comme enveloppe du pessimisme, M. Münz nous fait connaître la « Weltanschauung  » de Lorm fondée sur une base scientifique (ou objectivo-réelle). Le livre de Lorm, auquel l’auteur se rapporte, a pour titre « Nature et Esprit. En considération des études réelles de la vie et du monde, dit Lorm dans ce livre, il faut être pessimiste : car 1o nos connaissances des choses, comme nous l’enseigne Kant ne sont que relatives ; 2o toute la civilisation ne signifie qu’un éloignement du bonheur et de la vertu « qui vient des mains de la nature » ; 3o les jouissances dignes de l’homme, parce qu’elles doivent être exemptes de désirs et de passions, demandent une négation implicite de la volonté de vivre. Cependant, comme l’optimisme est une illusion nécessaire pour le monde, il ne faut bannir les idées optimistes que de notre raison, mais il faut leur accorder une place dans nos sentiments. (Gemüth.)

Voici comment M. Münz réfute ces vues… « Quoique nos connaissances, dit-il, soient limitées dans le domaine des phénomènes, il n’y a pas de motif à se dire malheureux. Non, il est immodeste de demander, à la manière des pessimistes, que la vérité absolue et le bonheur absolu soient de ce monde ; il faut se contenter de la relativité du savoir et du bonheur. »

Quant à la civilisation, M. Münz montre que, loin d’être une source du malheur humain, elle signifie un progrès évident sous beaucoup de rapports, même au point de vue de la morale.

La Révolution française cherchant à réaliser la Liberté, l’Égalité et la Fraternité n’en est-elle point une preuve ? Les Grecs n’étaient pas aussi moraux qu’on le croit d’ordinaire. L’amour entre adolescents, même chez Socrate, ne manquait pas d’un élément pathologique sensuel.

Enfin, les jouissances vraies et durables n’exigent pas une négation implicite de la volonté de vivre ; au contraire, une vie qui est capable de telles jouissances idéales nous doit devenir chère.

L’optimisme, tel que Lorm le comprend, a sa racine dans les jouissances que procure la contemplation pure de la nature. C’est que l’éternité, ou plutôt l’ombre de l’éternité, nous y apparaît sous la seule forme dans laquelle les choses éternelles nous puissent apparaître, à savoir sous la forme de la caducité, faisant deviner cependant la durée éternelle de la loi. Mais le commandement d’une contemplation pure de la nature, et d’un éloignement absolu de la société et du monde, est, comme M. Münz le dit très bien, en plein contraste avec un autre commandement conforme au boudhisme et au pessimisme, à savoir que la morale doit être fondée sur la pitié pour autrui.

En un deuxième essai, l’auteur parle encore du pessimisme dans le dessein de montrer que le misanthrope est une pure illusion. S’il