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QUESTIONS DE DROIT DES GENS[1]


Le droit des gens tient à la fois du droit public et du droit privé. Il tient du droit public, car il ne concerne directement que les droits et les devoirs réciproques des États. Il tient du droit privé, car les États, dans toutes leurs relations, sont des personnes morales, que rapprochent ou divisent des intérêts du même ordre que ceux des individus. Ils n’ont le plus souvent, comme les particuliers, à débattre entre eux que des questions de propriété, de liberté ou d’honneur et ils font appel pour les résoudre, sinon aux mêmes moyens, du moins aux mêmes principes. Les États représentent, d’ailleurs, des individus et ce sont, au fond, les intérêts respectifs de tout ou partie de ces individus qui donnent lieu aux questions de droit international.

Comme nous l’avons montré dans l’Introduction[2], les conflits entre les nations appartiennent à l’état de nature et ne reconnaissent que deux solutions pratiques : la guerre, ou le droit du plus fort, et les traités, dont le principe est le même que celui du Contrat social. Le droit des gens justifierait donc les hypothèses de Hobbes et de Rousseau, s’il ne consistait que dans les solutions consacrées par ces hypothèses ; mais, avant tout recours à la guerre ou aux traités, le droit des gens est déjà le droit, dans toute la force et toute l’extension du terme ; il repose sur des principes qui éclairent plus ou moins, soit la conscience générale de chaque nation, soit les consciences particulières des individus dont chaque nation se compose ; il préside par ces principes aux actes de la guerre et aux stipulations des traités ; il a, en un mot, dans toutes les questions internationales, la même autorité qu’ont dans chaque État les principes de droit public ou de droit privé d’après lesquels le législateur, les

  1. Cet article est extrait d’un ouvrage sur les Principes du droit, qui doit paraître prochainement à la librairie Félix Alcan.
  2. Cette introduction a été publiée dans la livraison de juillet 1880 de la Revue philosophique.