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leurs lois de plus en plus générales, cette méthode fut cause de la victoire qu’il remporta dans sa lutte contre les péripatéticiens et certains savants. Sans elle, sans « ce parfait tempérament, où, disait-il en se souvenant de son père, par un bonheur que je ne puis assez reconnaître, j’ai été toujours élevé avec des soins plus que paternels » [1], il n’aurait pu jeter à la face de ses adversaires ce défi qui est en même temps un cri de triomphe : Qu’on rende raison maintenant, s’il est possible, autrement que par la pesanteur de l’air, pourquoi les pompes aspirantes élèvent l’eau plus haut d’un quart sur le Puy-de-Dôme en Auvergne qu’à Dieppe… Est-ce que la nature abhorre plus le vide sur les montagnes que dans les vallons ? Ne le hait-elle pas également (il fait ici allusion à d’autres expériences) sur un clocher, dans un grenier et dans les cours ?… La nature n’a aucune horreur pour le vide, elle ne fait aucune chose pour l’éviter, et la pesanteur de la masse de l’air est la véritable cause de tous les effets qu’on avait jusqu’ici attribués à cette cause imaginaire. » Voilà, dit-il, avec un légitime orgueil, en dépit de tous les disciples d’Aristote, une connaissance qui ne saurait plus jamais périr[2] ».

C. Adam.

  1. Lettre à M. Le Pailleur, 1648 (p. 61, t.  III de l’édit. in-18).
  2. Conclusion des deux Traités. — Ne croyons pas cependant que la vérité prévalut aussitôt dans tous les esprits. Malebranche écrivait en 1674 : « On voit tous les jours des personnes assez estimées par leur lecture et par leurs études qui font des livres et des conférences publiques contre les expériences visibles et sensibles de la circulation du sang, contre celles du poids et de la force élastique de l’air, et d’autres semblables. » (Recherche de la vérité. I. II, 1re partie, c. ii, §  2.) — D’autre part, l’importance du fait établi par Stevin, et si heureusement généralisé par Pascal (que la pression des couches supérieures de l’eau s’exerce latéralement et de bas en haut comme de haut en bas), échappa même à Wallis, qui écrivit en 1662 pour rendre raison des expériences de Torricelli, même à Boyle, fort embarrassé pour répondre à ceux qui s’obstinaient à soutenir, comme Henri More en 1671 (un ancien adversaire de Descartes), que les liquides ne pèsent pas dans eux-mêmes. (Ces derniers détails sont empruntés à Ch. Thurot, Rev, archeol., 1869, t.  XX, p. 22-26.)