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siste pas sur ce sujet, qui ne peut être développé que dans une étude complète sur la volonté.

Quand cette sorte de tension nerveuse, dont l’impulsion est la manifestation psychologique, atteint un certain degré de force, elle aboutit à un acte, le sujet est alors obligé de donner satisfaction à la tendance, même malgré lui et sinon contre sa volonté, très souvent au moins contre ses désirs les plus vifs. On trouvera des faits de ce genre dans les observations sur ce qu’on a appelé la monomanie homicide, ou bien sur la dipsomanie, l’hystérie, la folie du doute, et en général toutes les formes de l’aliénation mentale dans lesquelles le malade garde encore des restes considérables de sa personnalité normale contre laquelle lutte le système morbide.

Toute impulsion est le résultat d’une synthèse qui tend à se compléter ; de même que nous avons vu dans l’acte réflexe une coordination d’impressions et de sensations s’établir, de même une tendance résulte de la coordination d’un certain nombre d’éléments psychiques : images, désirs, crainte, idée de la sensation future, souvenir des sensations passées, idées accessoires qui viennent se joindre aux idées principales, ce tout s’accroît et s’organise en une tendance dont l’expression complète s’achèverait par des actes déterminés qui pareraient le système. L’impulsion est donc le résultat d’une systématisation psycho-organique qui tend à s’achever.

Si nous prenons l’impulsion comme un élément psychique dont nul ne contestera la réalité, nous voyons que, quand elle atteint un certain degré de force, elle détermine normalement l’acte. Ceci, sauf pour quelques cas que les partisans du libre arbitre voudront réserver, ne sera contesté par personne. Il y a en ce cas une obligation d’agir qui n’est pas l’obligation normale, mais qui se manifeste par la nécessité où se trouve le sujet d’obéir à l’impulsion. Ce fait d’ailleurs s’exprimerait mieux en disant que, en ce moment-là, le sujet conscient est l’impulsion même.

Mais l’impulsion n’aboutit pas toujours à l’acte, nous la ressentons souvent sans lui obéir ; en ce cas, nous ne sommes pas physiquement obligés, déterminés à agir dans le sens de la tendance qui nous presse ; nous sommes même déterminés à ne pas agir, puisque nous n’agissons pas. Cependant, dans certains cas, nous avons très bien la notion d’une sorte d’obligation qui nous incombe d’agir selon la tendance à laquelle pourtant nous n’obéissons pas. Cette obligation peut être d’ailleurs une obligation morale ou non morale. Ici, par conséquent, l’obligation se distingue nettement du déterminisme et même, en quelque mesure, s’oppose à lui. Analysons les conditions qui la produisent et les caractères qu’elle présente, nous verrons