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boirac.les problèmes de l’éducation

catégories d’actions auxquelles l’éducation doit préparer l’homme, pour que l’homme soit à la fois parfait et heureux autant qu’il peut l’être. » Or, sans examiner si ce tableau est complet, ni s’il ne contient pas des éléments auxquels l’éducation proprement dite n’a pas nécessairement rapport, ni en vertu de quel principe les différentes parties qui le composent ont été rangées dans un ordre plutôt que dans un autre, il est bien permis de douter que, dans le cours même de son ouvrage, l’auteur se soit reporté par la pensée à ce tableau, pour apprécier la valeur relative des théories ou des systèmes dont il faisait l’exposition et la critique. Si l’éducation a en effet le but qu’il lui assigne, elle doit sans doute faire une large part à la culture intellectuelle et morale « dont les lettres et les sciences, ainsi que la religion, seront l’instrument » ; mais, avant tout, elle doit apprendre à l’homme à se conserver lui-même, et par conséquent faire une non moins large part à l’étude utilitaire de la physiologie, de l’hygiène, de l’économie domestique ou sociale, et des sciences positives, dont l’industrie n’est que l’application. Pareillement, la connaissance des devoirs paternels et maternels, et des moyens les plus propres à les remplir, l’étude du droit et de l’histoire passeront avant la culture désintéressée des lettres, des sciences et des arts. Or une pédagogie fondée sur ces principes différerait considérablement, il faut bien le dire, de toutes celles que les pédagogies du seizième et du dix-septième siècle ont esquissées ou pratiquées, et on a quelque peine à comprendre après cela comment l’auteur peut se demander ce que nos devanciers nous ont vraiment laissé à inventer ! Lui-même avoue du reste, quelques lignes plus loin, que, sur bien des points, l’éducation n’est encore qu’une œuvre de hasard où la méthode scientifique n’a point pénétré, et que la pratique de l’éducation est encore moins avancée que les théories des philosophes.

Il est donc bien difficile à l’historien de la pédagogie d’asseoir sa critique sur des principes fermes et invariables. Bon gré mal gré, il se trouve conduit à une sorte d’éclectisme qui se borne à bien comprendre les idées déjà mises en circulation et à faire un choix entre elles, ou encore à déduire des conséquences, à généraliser ou à éclaircir des aperçus incomplets ou obscurs, surtout à concilier des tendances diverses. Travail utile assurément, mais qui, s’il contribue à recueillir de nombreuses vérités de détail, réussit difficilement à déterminer l’ordre dans lequel elles doivent s’échelonner et s’unir. Après l’avoir accompli, on verra bien que nombre d’innovations et de réformes pédagogiques sont désirables : mais on sera fort embarrassé de savoir, si elles sont toutes possibles ou compatibles, et par lesquelles il faut commencer, car on n’ignore pas sans doute que tout