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ANALYSES. — mantegazza. Fisiologia del dolore.

posons une excitation forte du nerf sensitif S ; par suite de la diffusion de cette excitation dans la moelle, elle ira gagner, d’une part les centres nerveux D (il y aura alors sensation douloureuse), d’autre part le noyau de substance grise qui est le point de départ du pneumogastrique ; en sorte que cette excitation du nerf sensitif sera douloureuse d’une part, et d’autre part ralentira le cœur par suite de l’action réflexe dont le noyau N sera le siège. Dans certains cas, quand il y aura une douleur morale, alors qu’aucune excitation forte physique des nerfs sensitifs ne pourra être invoquée comme cause, il y aura ralentissement du cœur par suite de l’excitation transmise au noyau N par les centres nerveux D.

Mais s’ensuit-il pour cela que toujours l’excitation de N soit la conséquence de l’excitation de D ? En aucune manière. La voie directe SCN est plus simple que la voie indirecte SBDAN. Il est donc à la fois plus vraisemblable et plus probable que, dans la plupart des cas, si une excitation forte produit à la fois de la douleur et le ralentissement du cœur, c’est cette excitation, et non la douleur, qui ralentit le cœur[1].

Certes ce problème de physiologie psychique est intéressant ; mais il est un peu subtil peut-être. Qu’importe en effet qu’il y ait soit action directe de la douleur elle-même sur le cœur, soit action de l’excitation douloureuse sur le cœur. Le fait reste le même, à savoir que la douleur peut être mesurée jusqu’à un certain point par le ralentissement du cœur. On peut donc accepter absolument sur ce point l’opinion de M. Mantegazza : que toute excitation douloureuse retentit sur l’organisme. Ce retentissement est une excitation, excitation du bulbe qui arrête le cœur, accélère la respiration, fait contracter les petits vaisseaux, suspend la sécrétion gastrique, fait contracter l’iris, etc.

Cependant, si l’excitation est plus forte et si certaines conditions encore mal connues sont réalisées, il y a non plus excitation de la moelle, mais suspension de son action. C’est un de ces phénomènes d’arrêt, d’inhibition, sur lesquels M. Brown Séquard et d’autres physiologistes entreprennent depuis longtemps de patientes recherches sans avoir pu les éclaircir complètement. Ils sont cependant exceptionnels, et je pense qu’il faut, avec M. Mantegazza, reconnaître cette loi fondamentale :

Les excitations douloureuses, en agissant sur la moelle épinière, ralentissent le cœur, accélèrent la respiration, et diminuent la température périphérique.

Quant à la cause de la douleur, M. Mantegazza l’étudié peu. On me permettra cependant une courte observation à ce propos. M. Mante-

  1. Je rappellerai la conclusion que je donnais dans mon Étude sur la douleur (Revue philosophique, t. IV, p. 463) : La douleur coïncide avec l’arrêt (ou mieux le ralentissement) du cœur, la dilatation (ou la contraction) de l’iris, l’abaissement (ou l’élévation) de la pression artérielle. Mais ce n’est pas la douleur qui provoque ces actions réflexes. Elles sont simplement simultanées et produites par la même cause.