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g. séailles.philosophes contemporains

posé, quelles en sont les données nécessaires, de quelles idées il faut tenter la conciliation. Le positivisme fournit à la métaphysique son meilleur argument. Les sciences simples, abstraites, sont les plus faciles, les premières achevées ; plus la science se complique, plus elle exige de temps et d’efforts : les mathématiques sont faites, la biologie commence, la sociologie se cherche encore. De quel droit exigerait-on que la métaphysique-fût soustraite à cette loi du progrès scientifique ? Elle est la plus complexe des sciences, elle a encore droit à l’erreur et à l’hypothèse[1].

La métaphysique s’est défendue, elle peut attaquer à son tour. On exige qu’elle cède la place et disparaisse, soit. Par qui cette place sera-t-elle remplie ? les savants supposent-ils qu’en présence du même monde le même esprit humain ne se posera pas les mêmes questions ? Vont-ils supprimer par décret, avec la métaphysique, les besoins originels, les exigences impérieuses, qu’elle a mission de satisfaire ? Ou bien prétendent-ils résoudre les problèmes nécessaires qui jusqu’ici l’ont tenue en échec ? Les savants se récusent, et au nom de leurs découvertes somment l’esprit de s’en tenir à leur méthode : on n’échappe pas aux questions qui s’imposent. L’astronomie nous fait monter jusqu’aux étoiles, mais elle s’arrête aux limites du visible et nous abandonne en face de l’inconnu ; qu’y a-t-il au delà ? demande l’esprit ; ces grands corps sont-ils isolés dans l’espace ? ne sont-ils pas les organes vivants de l’Être infini ? La géologie fait l’anatomie de la terre, tente son embryologie, raconte son histoire ; la terre n’est-elle pas un être réel, un système organique, un individu véritable ? demande l’esprit. La biologie étudie chaque organe, distingue les tissus, les résout en leurs éléments, explique la fonction par l’organe, l’organe par le tissu, le tissu par lés éléments ; la psychologie empirique observe les faits intérieurs, détermine leurs lois, cherche le fait élémentaire, dont les combinaisons constituent la vie morale ; l’esprit interroge encore : Qu’est-ce que la vie ? Qu’est-ce que l’âme ? D’où vient le concours de tous les éléments en un même être organique ? le concours de toutes nos sensations, de toutes nos pensées, de tous nos actes en un seul et même être moral ? « Unité de système, unité de rapport, unité de composition, voilà le terme où chaque science s’arrête en fait de synthèse ; elle n’atteint pas l’unité de vie et de substance, l’unité réelle et vivante, le principe qui fait l’accord des éléments, l’essence et la nature de l’Être. » Ce qui est vrai de la partie est vrai du tout. Supposons la science faite : tous les phénomènes sont coordonnés, saisis dans leurs

  1. Tome i, p. 52-101.