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II

On sera peut-être tenté de demander en quoi il est utile de revenir sur une distinction très claire, proposée par d’illustres philosophes, et généralement adoptée, puisque aussi bien il demeure toujours certain que, parmi nos associations, les unes se bornent à un simple rapprochement dans le temps, tandis que les autres aboutissent à l’aperception d’une ressemblance. Dès lors, à quoi bon cette subtile analyse ? Il suffira toutefois d’un peu d’attention pour voir que l’analyse qui précède, si elle est exacte, entraîne des conséquences importantes pour la théorie de la connaissance. Quant à la subtilité, on ne doit en craindre ni l’apparence, ni même la réalité, pourvu qu’on ne sorte pas de la vérité.

La philosophie associationniste s’est donné pour tâche d’expliquer toutes les opérations de l’esprit par l’association des idées, qui n’est elle-même qu’une expérience prolongée. L’esprit est considéré comme un simple registre, un garde-notes, qui ne fait qu’ajouter les unes aux autres les impressions qu’il a reçues et conservées. On dit bien, il est vrai, que la faculté de distinguer et de comparer, la discrimination, est une opération irréductible de l’intelligence. Mais à moins que, sans s’en douter, on n’admette deux principes différents, il faut entendre que l’association et la discrimination se font ensemble et ne sont qu’une même chose, et, de fait, l’association par similarité nous est présentée comme une opération simple qu’on trouve à l’origine de la plupart de nos connaissances. Le même mot association, appliqué à des actes d’ordre différent, dissimule leur dualité et crée une véritable confusion. En tant que l’association est faite par similarité, elle sert à rendre compte des opérations ultérieures de l’esprit. En tant qu’elle est une association, elle ne suppose pas un principe, une loi supérieure à l’expérience. Cette confusion doit cesser s’il est reconnu que l’association dite par similarité est autre chose qu’un prolongement de l’expérience et que l’aperception d’une similitude est autre chose qu’une association. On reconnaîtra alors qu’on ne peut tout expliquer par l’association qu’à la condition d’ajouter subrepticement à l’association ce qu’elle ne contient pas et qu’elle est chargée d’expliquer. On avouera qu’au moment où l’esprit de l’homme, ayant associé des idées en vertu de la loi de contiguïté, s’avise de remarquer qu’elles sont semblables, il exerce une fonction que la précédente préparait, dont elle était la condition, si l’on veut, mais qu’elle n’explique pas. En effet, de ce