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un Allemand. Voilà une association par contiguïté. Penser à un original parce qu’on voit un portrait, reconnaître — c’est un exemple de M. Bain — une personne dans la rue parce qu’on a vu son portrait, voilà une association par similarité. Dans tous les exemples de ce genre, la ressemblance de l’idée présente avec l’idée rappelée — attraction of sameness — est la raison qui explique pourquoi c’est cette dernière, de préférence à toute autre, qui reparaît à la conscience. Elle est le lien qui les unit, la puissance évocatrice, la baguette magique, si l’on ose dire, qui ressuscite les idées éteintes et les force à prendre place dans le cortège des idées nouvelles.

Rien ne semble plus clair et plus légitime que cette distinction, et on comprend qu’elle ait été acceptée par presque tout le monde. A y regarder de près cependant, elle n’est peut-être pas rigoureusement exacte, et nous allons essayer de montrer que les associations par similarité ne sont au fond que des associations par contiguïté. À défaut d’autres avantages, cette réduction, si elle est exacte, aura du moins le mérite de simplifier la théorie. Mais nous indiquerons quelques-unes des conséquences qu’elle entraîne, et qui sont importantes.

I

D’abord il est assez malaisé de comprendre ce que serait la ressemblance d’une idée présente à l’esprit avec une autre qui, par hypothèse, n’est pas actuellement connue, puisque c’est l’association qu’il s’agit d’expliquer. Il n’y a point de ressemblance s’il n’y a au moins deux termes ; or on né pourrait supposer deux termes comparables entre eux qu’en commettant un cercle vicieux. La ressemblance ne peut être connue de l’esprit qui associe les idées : s’il la connaît, les idées sont déjà associées ; s’il ne la connaît pas, ce n’est pas en raison de la ressemblance qu’il fera l’association.

Dira-t-on que cette ressemblance existe cependant, qu’elle est réelle, objective, indépendante de la connaissance qu’un esprit individuel peut en avoir à un moment donné ? Mais il y a quelque difficulté et même quelque danger à transformer en choses en soi nos représentations. En supposant que cette métamorphose fût légitime pour les idées, elle serait absolument inadmissible lorsqu’il s’agit des rapports des idées : et la ressemblance est évidemment un rapport. Il faut être Platon pour concevoir la Ressemblance en soi, le Même en soi, sans objets qui soient semblables ou qui soient les mêmes. Une ressemblance ne peut exister que par rapport à un esprit et dans un esprit.