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turnes, comme la hyène, ont des couleurs sombres : dans le même groupe, les habitants des arbres sont bien plus ornés que leurs congénères, vivant sur le sol ou dans l’eau (écureuils, lérots, d’une part, rongeurs omnivores de l’autre). Les singes l’emportent de beaucoup sur les autres mammifères pour l’éclat de leur pelage ; les mandrilles particulièrement ont certaines parties du corps peintes des plus vives couleurs (rouge et bleu), dont le rapport avec les instincts sexuels n’est pas douteux : tous ceux qui offrent quelque intérêt à cet égard sont arboricoles et vivent de fruits. « Si les faits résumés dans cette longue liste ne sont que des coïncidences, ce sont sans aucun doute les plus extraordinaires coïncidences qu’on puisse observer dans la nature. »

Remarquons-le : il n’est pas un de ces faits qui ne s’explique par l’hypothèse que le sens de la couleur est le même dans les mammifères supérieurs et dans la série animale tout entière. L’immense quantité de faits qui forment les éléments de la théorie s’ordonne en un seul ensemble dont les diverses parties sont liées ; car les inférences tirées à propos des invertébrés visiteurs de fleurs confirment celles dont les vertébrés mangeurs de fruits sont l’occasion, et réciproquement. S’il est vrai que les uns doivent leur brillante coloration à leur nourriture, pourquoi ne serait-ce. pas vrai des autres ? Mais dès lors tous voient le monde environnant sous les mêmes couleurs ; les fleurs sont les mêmes pour les oiseaux-mouches et les abeilles, l’oiseau qui est attiré par un insecte brillant le voit des mêmes yeux que son congénère de l’autre sexe, et chez les quadrumanes enfin le sens de la couleur n’est pas autre que dans toute la série zoologique,

III. Dès lors, l’homme, descendant d’un quadrumane et ayant hérité de lui son organisation et ses goûts essentiels, a dû avoir dès l’origine un sens de la couleur développé. Les partisans de l’évolution ne peuvent donc accéder, selon M. Grant Allen, à la théorie soutenue par MM. Gladstone et Hugo Magnus, théorie d’après laquelle le sens de la couleur ne se serait développé chez l’homme que depuis les temps héroïques, c’est-à-dire depuis trois mille ans environ. Cette théorie repose sur les preuves suivantes : 1° Les sauvages actuels ne comptent pas autant de parties que nous dans l’arc-en-ciel et ne distinguent pas en général autant de couleurs que nous. 2° Les hommes des temps héroïques, les auteurs et les contemporains des Védas, des inscriptions assyriennes et égyptiennes, des poèmes homériques sont, vis-à-vis des modernes, dans la même infériorité. — Donc, dans l’éducation progressive de l’organe,