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espinas. — le sens de la couleur

sent suffisamment probants, « Nourris de chènevis, les bouvreuils et quelques autres oiseaux deviennent noirs… Les naturels de l’Amazone nourrissent le perroquet vert commun avec la graisse de gros poissons siluroïdes, et les oiseaux ainsi traités deviennent magnifiquement panachés de plumes rouges et jaunes. Dans l’archipel malais, les naturels de Gilolo changent d’une manière analogue les couleurs du Lorius garrulus et produisent ainsi ce qu’ils appellent le Lori rajah ou Lori roi. Dans les îles malaises et l’Amérique du Sud, ces perroquets, soumis à une nourriture végétale naturelle, comme le riz, conservent leurs couleurs propres… Enfin on sait que les chenilles, nourries d’aliments différents, peuvent ou acquérir elles-mêmes une autre coloration, ou produire des papillons de couleurs différentes[1]. » Il est à remarquer que les oiseaux granivores l’hiver, qui se nourrissent d’insectes au printemps, revêtent à ce moment la brillante livrée des amours. Les hommes mieux nourris échangent leur pâleur contre les couleurs plus vives. Si beaucoup d’insectes se nourrissant de nectar sont fortement colorés, la qualité supérieure de cette nourriture n’y est-elle pas pour quelque chose ? N’en est-il pas de même pour les oiseaux et les mammifères mangeurs de fruits ? Les sécrétions florales sucrées et les pulpes des fruits ne sont-ils pas, parmi les produits végétaux, ceux qui se rapprochent le plus comme composition chimique des produits de la vie animale ? Une grande partie des faits rassemblés par M. Allen trouveraient ainsi, ce semble, son explication, sans qu’il soit besoin de recourir à la sélection sexuelle.

3° La quantité et la qualité de la nourriture sont liées, toutes choses restant égales, à la prospérité vitale des êtres organisés. M. Wallace croit que 1 intensité de 1 énergie vitale est la vraie cause de la brillante coloration des tissus. Il eût. pu, ce semble, accorder sa théorie avec l’opinion commune qui attribue la couleur à l’action de la lumière, car celle-ci est, chez les espèces non adaptées au régime nocturne ou souterrain, un puissant excitant pour toutes les fonctions vitales. Quoi qu’il en soit, il est certain que pour tout ce qui vit la pâleur des teintes est un indice de langueur ou de faiblesse, l’éclat des couleurs une preuve de force et de santé. Les enfants ont souvent les cheveux blonds et la peau blanche, alors même qu’ils doivent devenir bruns au moment de la puberté. Les albinos sont mal armés pour la concurrence vitale, etc. On pourrait dire que les animaux des pays tempérés entrent en amour après l’hiver, c’est-à-dire au moment où ils sont le plus épuisés, et que par conséquent les bril-

  1. Variation, vol. II, p. 298.