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delbœuf. — le sommeil et les rêves

point d’arrivée, un état d’équilibre. Par là, on comprend sans peine comment la force se fixe, car l’équilibre ne se rompt pas de lui-même. Répétons toutefois — car ceci est important — qu’il faut un temps infini pour que l’équilibre absolu vienne à régner, parce que la vitesse avec laquelle se fait le nivellement est une fonction directe de la différence même des niveaux. L’écoulement est de moins en moins rapide à mesure que l’eau d’un bassin s’épuise. L’échauffement se ralentit à mesure que l’inégalité de température entre le corps qui s’échauffe et celui qui l’échauffé diminue. De sorte que la tendance vers l’état final s’affaiblit en se satisfaisant, et cela dans une telle proportion, qu’elle ne perd jamais qu’une fraction d’elle-même. Les choses se passent comme si, pour répartir également la charge sur les deux bassins d’une balance portant des poids inégaux, j’enlevais chaque fois un quart de la différence au plus fort pour l’ajouter au plus faible. De cette façon, l’écart est progressivement diminué de moitié. Mais je pourrais persévérer dans ce travail pendant l’éternité sans atteindre mon but.


Quoique la connaissance que nous avons de la nature intime de la matière organisée soit plus imparfaite encore que celle que nous avons pu acquérir de la matière dite inerte, nous pouvons cependant affirmer que les organismes se comportent à l’égard dés forces extérieures et les fixent dans leur substance sous la forme d’un certain état d’équilibre plus ou moins complet.

L’organisme — qu’il soit plante ou animal — est mis en contact par sa périphérie avec les forces qui agissent autour de lui. Ce contact introduit dans la position d’une ou de plusieurs molécules un dérangement qui en entraîne un autre dans les molécules voisines, et ainsi successivement de proche en proche. Qu’on se figure l’action de la force extérieure sous la forme d’une pression ou d’une distension, d’une propagation de calorique ou d’un appel aux propriétés élastiques, le phénomène consiste essentiellement dans une rupture d’un certain arrangement plus ou moins équilibré des molécules de la superficie, rupture qui s’infiltre dans les profondeurs de la substance vivante, où, en dernier résultat, elle amène un nouvel état d’équilibre. L’ébranlement étant arrêté, il en résulte une modification permanente de l’organisme, permanente en ce sens qu’elle ne se détruira pas d’elle-même. Sur cette modification viendront continuellement s’en greffer d’autres. Il pourra arriver qu’en apparence une modification antérieurement reçue s’évanouisse. Mais ce sera là un effet illusoire, provenant de ce que des modifications subséquentes, d’une importance plus considérable, masquent par