Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
393
liard.notions d’espèce et de genre

blent, qu’aussitôt que l’embryon commence à montrer quelques traits caractéristiques, ceux-ci présentent des particularités telles que le type peut se distinguer[1], » il fait observer que chez certains êtres on remarque une avance assez grande des caractères de la famille sur ceux de l’ordre, et des caractères de l’espèce sur ceux du genre. « Par exemple, un jeune hémiptère ou un jeune orthoptère peuvent être sûrement rapportés à leur famille respective d’après les caractères qu’ils présentent, bien avant de manifester les particularités qui les caractériseront comme hémiptère ou orthoptère. La tortue qui happe montre son petit sternum en forme de croix, sa longue queue, ses habitudes féroces même avant de sortir de l’œuf, avant de respirer par des poumons, avant que son derme se soit durci en une carapace osseuse. Le veau prend la forme bovine bien avant d’avoir acquis les caractères d’un ruminant à cornes creuses ; le faon présente toutes les particularités de son espèce avant que celles de sa famille se soient développées[2]. »

Quoi qu’il en soit de ces réserves, et bien qu’elles aient pour origine les vues personnelles d’Agassiz sur les caractéristiques des types subordonnés, il est aujourd’hui acquis à la science que tous les embryons animaux, semblables à l’origine, se spécifient progressivement[3]. On a donc eu raison de distinguer plusieurs stades dans l’évolution organique. Une forme commune au règne tout entier est d’abord réalisée ; puis en se développant, elle se modifie, ici d’une façon, là d’une autre. Chacune de ces nouvelles formes se modifie à son tour, et ainsi de suite, jusqu’à ce que d’épigenèse en épigenèse, de forme en forme, la forme spécifique soit enfin apparue. Avant de la revêtir, l’individu a acquis une série de formes qui lui sont communes avec un nombre de moins en moins grand d’individus. Chacune d’elles résulte du groupement des éléments organiques ; elle est donc le signe extérieur et sensible de la loi qui préside à cette répartition. Et comme une forme moins générale naît de la modification d’une forme plus générale qui préexistait, il est vrai de dire que la loi de l’embranchement, par exemple, continue d’agir, alors que la loi de la classe est apparue, en s’adaptant, bien entendu, aux conditions nouvelles que crée cette coopération. On comprend par suite, ce que ne sauraient expliquer ni le nominalisme ni le réalisme, comment il se fait que les découvertes de l’embryogénie comparée concordent avec celles de l’anatomie comparée. La loi plus

  1. De l’espèce et de la classific. en zool., chap. II.
  2. Ibid.
  3. Il serait aisé de montrer que l’évolution végétale est soumise à la même loi générale de spécification progressive.