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DE LA DURÉE DES ACTES PSYCHIQUES D’APRÈS LES TRAVAUX RÉCENTS




I


Le problème qui fait l’objet de cet article nous a paru l’un des plus propres à faire comprendre quelle marche la psychologie doit suivre pour devenir une science précise. Cette méthode, ramenée à ses traits essentiels, consiste d’abord à choisir une seule question, bien déterminée ; à partir des données vulgaires de la conscience, sans lesquelles, quoi qu’on en ait dit, aucune recherche psychologique n’est possible ; à les interpréter ensuite à l’aide de notre réflexion et de tous les faits que nous fournit l’expérience des autres ; enfin à arriver, quand cela est possible, par l’expérimentation réelle et l’emploi de la mesure, à la période vraiment scientifique qui consiste en affirmations objectives et vérifiables.

Le fait vulgaire qui nous sert ici de point de départ est celui-ci : nous pensons tantôt plus vite, tantôt moins vite. Il n’est personne qui l’ignore. Il suffit d’avoir ressenti quelque émotion vive, la colère ou l’anxiété, pour savoir qu’à certains moments nos idées se précipitent comme un torrent, s’entre-choquent à la façon d’une tempête ou d’un orage : ces comparaisons se présentent d’elles-mêmes.

La réflexion va plus loin. On peut, lorsqu’on est habitué à l’analyse, soumettre à un examen délicat ces états désordonnés ou leurs contraires, l’ennui, le tœdium vitæ, l’acedia des moines du moyen âge, bref tous ceux qui dénotent un alanguissement de la vie de l’esprit. On peut surtout étudier et interpréter des faits d’un caractère moins subjectif et plus saisissable à l’analyse. C’est ainsi qu’on a pu constater que la vitesse de la pensée est prodigieuse dans certains rêves[1], dans le délire, dans quelques formes de la folie, comme la manie aiguë. Au contraire, on remarque une lenteur frappante chez

  1. On trouvera des faits à ce sujet dans Maury, Le sommeil et les rêves, ch. vi, p. 138-139, et B. de Boismont, Des hallucinations, observation 77e.