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comme une perfection spéciale, et ils classèrent les nombres en déficients (ἑλλιπεῖς) et abondants (ὑπερτελεῖς) suivant qu’ils étaient supérieurs ou inférieurs à la somme de leurs parties aliquotes.

Ils purent reconnaître assez facilement que le premier nombre parfait ὁλομελὴς après 6, comme ils paraissent avoir dit tout d’abord (Theologumena), était 28 ; mais le suivant est 496, déjà bien éloigné pour avoir été donné par tâtonnement.

Si on prend une progression géométrique dont le premier terme soit l’unité et la raison 2, et qu’on fasse la somme des termes de cette progression, toutes les fois qu’on obtiendra un nombre premier, en le multipliant par le dernier terme sommé, on aura un nombre parfait, c’est-à-dire égal à la somme de ses parties aliquotes.

Ainsi soit la progression 1 : 2 : 4 : 8 : 16.

1 + 2 = 3 nombre premier 3 X 2 = 6 nombre parfait.
1 + 2 + 4 = 7 nombre premier 7 X 4 = 28 d0
1 + 2 + 4 + 8 + 16 = 31 nomb. premier 31 X 16 = 496 d0[1]

Ce remarquable théorème forme le couronnement des « Arithmétiques » d’Euclide (Éléments, livre IX, 30), de même que la théorie, également pythagoricienne, des polyèdres réguliers termine sa « stéréométrie. »

C’est évidemment à la suite de la découverte de ce théorème que le terme « nombre parfait » prit la signification spéciale et précise qu’il a aujourd’hui en arithmétique.

Au temps de Platon, le sens en est encore flottant[2] ; le nombre 2700 n’est plus un nombre parfait pour Euclide, comme il semble l’être pour le chef de l’Académie ; quant à sa génération comme telle aux yeux de Platon, voici comme on peut la concevoir d’une façon analogue à celle des nombres 6 et 28, qu’il devait, avons-nous dit, connaître comme parfaits.

Ἀυξήσεις signifie « des augmentations suivant les termes d’une progression géométrique. » Ce terme n’est pas devenu classique, mais on le retrouve encore dans Jamblique avec le même sens, qui devait être suffisamment précis du temps de Platon ; on sait le rôle que joue dans ses écrits (Timée, Epinomide) et chez les Pythagoriciens, la considération des progressions géométriques, particulière-

  1. Voir Théon, I. 32. La formule :

    (1 + 2 + 22 + … + 2n X 2n

    qui représente cette construction peut se mettre sous la forme
    (2n + 1 – 1) X 2n.

    le nombre entre parenthèses étant supposé premier.
  2. Peut-être l’expression ἐν ᾧ πρώτῳ se rapporte-t-elle à un essai de classification des nombres τέλειοι, alors tenté dans l’École, essai qui n’aura pas abouti ; c’est l’explication qui nous en paraît la plus satisfaisante.