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complétement l’hypothèse des forces vitales spécifiques. (Cette hypothèse, d’ailleurs, est déjà ébranlée dans la physiologie.) D’autre part, le problème, longtemps écarté, du développement des formes organiques de la vie, gagne une influence croissante dans les sciences biologiques. Les idées fortement enracinées sur l’importance des systèmes naturels sont renversées, et le problème presque oublié de l’origine de tous les êtres vivants surgit de nouveau. Dans la théorie de l’évolution on discute encore si et comment l’utilité apparente des produits organiques de la nature peut être conciliée avec leur causalité rigoureuse, et cette discussion recevra difficilement une solution satisfaisante, avant qu’on ait attaqué de nouveau les idées de but et de cause avec les armes philosophiques que l’état actuel des sciences met à notre disposition.

Pendant que sur ce point la science naturelle attend de l’analyse philosophique une solution aux difficultés qui l’embarrassent, d’un autre côté la science de la nature est à la veille de s’arroger ou au moins de se faire céder une part d’un domaine scientifique attribué jusqu’ici à la philosophie. Comme on a appliqué les méthodes d’observation et d’expérimentation des sciences naturelles à l’expérience interne, la physiologie des organes des sens a produit la science nouvelle de la psychologie expérimentale qui semble être appelée à relier entre elles les sciences de la nature et de l’intelligence.

Non-seulement les différentes branches des sciences expérimentales conduisent à la philosophie, mais les mathématiques elles-mêmes, cette base abstraite des sciences de la nature, n’ont pu échapper à l’impulsion du temps. Ici on cherche, par des spéculations transcendantes, à arriver à une conception de l’espace plus générale et dégagée des liens de la perception. Là on soumet à un nouvel examen les principes les plus généraux de la mécanique, ce fondement de toute la science explicative de la nature.

Ainsi, partout dans les domaines spéciaux de la science, surgissent des problèmes philosophiques, et déjà les recherches particulières ont amené divers résultats d’une grande importance philosophique. Ce sont là les éléments d’un système cohérent du monde ; la tâche de la philosophie sera de les coordonner.


II


La philosophie actuelle est-elle à la hauteur de cette tâche ? Nous a-t-on transmis un système scientifique dans lequel les connaissances nouvellement acquises trouvent leur place sans difficulté ?