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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS


Lessewitsch. Opuit crititcheskago izsliédovania osnovonatchal positivnoi philosophii.Essai d’une analyse critique des principes fondamentaux de la philosophie positive. Saint-Pétersbourg. 1877. In-8° (295 p.). Chez Stassulewitsch.

C’est une rareté, qu’un ouvrage philosophique original en Russie. Il n’y a pas eu jusqu’à présent d’école philosophique russe, proprement dite. Les études philosophiques se bornaient, en ce pays, d’abord à l’interprétation de la philosophie allemande, surtout des systèmes de Schelling et Hegel ; puis on s’occupa de la philosophie d’Auguste Comte ; aujourd’hui c’est Herbert Spencer qu’on étudie de préférence, quoique M. Hartmann ait su gagner aussi quelques adeptes.

La sévérité de la censure préventive et les lois contre la presse devaient fatalement arrêter le libre développement des idées philosophiques en Russie. C’est à peine si l’on, osait traduire les ouvrages les plus importants de l’Europe occidentale, et on s’estimait heureux d’avoir les originaux défendus. Ce n’était qu’une petite élite parmi la classe aisée qui trouvait le loisir de méditer et de s’intéresser aux questions philosophiques de l’époque. Tolérée comme privilège, la philosophie était soumise à un contrôle sévère dans les universités. En 1849 l’empereur Nicolas y limita l’enseignement de la philosophie en décrétant que les deux cours déjà fort restreints de logique et de psychologie seraient confiés au professeur de théologie de chaque université.

Quoique les dernières réformes aient délivré les chaires philosophiques de la tutelle théologique, nous croyons avoir le droit de dire que la philosophie est toujours une plante exotique en Russie, et qu’un livre comme celui dont nous parlons peut exciter l’intérêt du public.

M. Lessewitsch nous donne une critique assez approfondie et indépendante de la philosophie positive d’Auguste Comte et de son développement ultérieur, et cherche à la relier à la méthode critique allemande moderne. Nous hésitons à ranger M. Lessewitsch au nombre des positivistes déclarés. Quoiqu’il conserve pour son maître, une sorte de piété personnelle et le considère même comme un génie, on ne saurait le nommer son disciple, par cela seulement qu’il accepte sa classification des sciences et sa loi des trois états d’évolution philosophique ;