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tion, « Ni Paul, ni Mathieu, ni Luc, ni Marc n’avaient osé dire que Jésus fût Dieu. Mais l’excellent Jean, ayant appris que dans plusieurs des Villes grecques et italiennes, une foule de personnes étaient déjà atteintes de cette maladie, et entendant dire, à ce que je pense, que les tombeaux de Pierre et de Paul étaient honorés en secret, il osa le premier soutenir cette doctrine : ce mal a donc Jean pour premier auteur. Mais comment pourrait-on traiter avec assez de mépris tout ce que vous y avez ajouté, ici surtout, inventant une foule de nouveaux morts pour les adjoindre à l’ancien ! Vous avez tout rempli de tombeaux et de sépulcres ! » Ces raisons tirées des textes étaient corroborées par des considérations purement philosophiques, Julien ne peut admettre, avec les chrétiens, que l’univers existe pour le bonheur de l’homme : c’est l’homme, au contraire, qui existe pour la beauté de l’univers, il est produit pour que le grand tout soit parfait. D’ailleurs, ce que le monde est aujourd’hui, il l’a toujours été ; la descente et l’ascension des âmes sont le résultat du procès éternel des choses, il est donc absurde de considérer l’homme comme le sommet de l’univers, il est absurde de porter sur un homme son adoration, ce qu’il faut adorer, c’est le ciel, ce sont les astres incorruptibles, et plus haut encore, , les principes intelligibles de la hiérarchie divine, enfin et surtout c’est le Roi-Soleil.

Ces principes divins existent en quelque manière dans le monde où ils descendent, mais ils ont aussi une existence supramondaine : ils sont à la fois immanents et transcendants ; bien que Julien ne se soit pas prononcé très-nettement pour leur personnalité, il les respecte, les aime et les adore comme des personnes. Il a mis tout son dévouement à restaurer le culte des dieux, non que les cérémonies religieuses soient indispensables à la piété, mais elles n’en ont pas moins une grande valeur, et, du reste, l’homme ayant un corps aussi bien qu’une âme, doit honorer les dieux corporellement. Aussi Julien multiplie-t-il les sacrifices publics ; il essaie de remettre en honneur les présages et les oracles ; lui-même est le premier à donner l’exemple : son plus grand bonheur est de sacrifier de sa propre main ; il a le goût, ou pour mieux dire, la passion du culte extérieur ; il aime surtout à célébrer les mystères et à entrer en commerce avec la divinité par le moyen des abstinences, des purifications, des spectacles sacrés, des formules sacramentelles. Il fut encore plus pontife qu’empereur. Il avait mis au premier rang de ses réformes, l’accroissement de la dignité et de l’indépendance du sacerdoce. Mais il voulait surtout que le clergé s’imposât au respect de tous par la sainteté de la vie. « Exhorte tous les prêtres, écrivait-il au pontife de Galatée, à ne jamais entrer dans un théâtre, à ne pas boire au cabaret, à ne s’adonner à aucun art, à aucun métier honteux ou méprisé. Honore ceux qui se laisseront persuader, dépose ceux qui ne t’obéiront pas. » Il ne cessait d’adresser des conseils de ce genre à ses subordonnés.

Il avait conçu bien d’autres projets encore, entre autres un projet d’organisation officielle d’une bienfaisance religieuse. La bienfaisance