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Libanius et Thémistius figurent parmi les premiers ; au nombre des seconds il faut surtout citer Maxime d’Ëphèse, Œdesius, Chrysanthe de Pergame, disciples de Jamblique. Ce sont eux qui, avec Eusèbe de Mindes et quelques autres, développèrent dans Julien cet amour passionné des lettres et de la philosophie grecques qui reste le caractère le plus marquant de son esprit. Du reste, dès sa première enfance un ennuque scythe, Mardonius, auquel il avait été confié, lui avait déjà inculqué une profonde admiration pour Homère et pour Platon. À partir de son séjour en Asie Mineure, c’est-à-dire de 21 à 25 ans, il fut l’un des plus fervents disciples des rhéteurs et théurges groupés autour de Libanius, et bientôt le disciple devint maître à son tour. « Par le talent littéraire, dit M. Naville, il les a tous dépassés. Il y a chez lui bien plus d’individualité que chez Libanius lui-même. La sève intérieure déborde et brise les moules conventionnels. L’indignation, le sarcasme, l’enthousiasme font parfois explosion avec une vérité et un naturel saisissants. On reconnaît cependant toujours le disciple de ces arrangeurs de phrases savants et monotones. Il a quelquefois leur enflure, souvent leur disposition méthodique et prétentieuse des parties du discours, toujours leur manie de citations et d’allusions classiques. » Dans un seul de ses discours on compte plus de vingt fragments de l’Iliade. Heureusement cette érudition n’étouffe pas le sentiment chez Julien : il est à noter surtout, qu’il a senti très-vivement les beautés de la nature, qualité assez rare chez les anciens : c’est qu’il était né artiste et poète. Ce sont ses goûts artistiques qui ont peut-être contribué le plus efficacement à le détacher du christianisme. »

Il ne faut pas oublier, d’ailleurs, que le milieu dans lequel s’était passée sa jeunesse n’avait rien d’édifiant. « Pendant deux règnes successifs, dit M. Naville, les faveurs gouvernementales avaient été distribuées aux chrétiens, particulièrement aux convertis. Rester fidèle au culte des dieux, c’était alors diminuer ses chances d’arriver aux honneurs et aux gros traitements. On comprend donc qu’il devait y avoir du côté des chrétiens beaucoup d’âmes intéressées et viles, tandis que dans les rangs des Hellènes on devait compter de fiers et nobles caractères. Julien avait eu pour directeurs de son éducation des évêques ariens, hommes de cour, plus féconds en expédients politiques que riches en vertus. Son oncle, l’empereur Constance, destructeur de statues des dieux et démolisseur de temples, était un prince licencieux et cruel. Julien en voulait aux conseillers chrétiens de Constance plus qu’à Constance lui-même. C’est à eux, à ces eunuques féroces, qu’il attribuait la plupart des défiances, des haines, des cruautés de son cousin. Enfin il mentionne avec une intention évidente le fait que cette ville d’Antioche, si corrompue, si efféminée, était en grande majorité chrétienne. »

Cependant il avait commencé par croire très-sincèrement à la foi nouvelle, il avait même été lecteur dans les églises et c’est pourquoi dans sa polémique contre les « galiléens » il montre une connaissance de l’ancien et du nouveau Testament qu’on ne rencontre pas chez les autres