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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS


H. Adrien Naville. Julien l’Apostat et sa philosophie du polythéisme. Librairie Sandoz et Fischbacher. Paris. 1877.

Julien est l’un des personnages historiques dont il est le plus difficile de parler avec une entière impartialité. Tandis que les chrétiens n’ont voulu voir en lui qu’un renégat et qu’un odieux persécuteur, dont toute la vertu aurait été faite d’hypocrisie et qui serait mort l’écume à la bouche en lançant une dernière imprécation contre le « Galiléen, » les adversaires du christianisme l’ont trop souvent loué et exalté sans mesure comme sans critique. M. Naville a tâché d’éviter ces deux excès. Dans l’intéressante étude qu’il a publiée cette année sur Julien l’Apostat et sa philosophie du polythéisme, il n’a eu, dit-il, qu’un but : être historien, comprendre et faire comprendre la pensée de Julien et par là même faire comprendre toute une époque de l’histoire intellectuelle de l’humanité.

Notre auteur s’est surtout placé au point de vue philosophique ; on retrouve bien dans son livre les principaux traits de la vie de son héros ; mais ils ne forment point un tableau vivant et animé. M. Naville s’en sert, quand il y a lieu, et sans se préoccuper de l’ordre chronologique, pour expliquer l’enchaînement logique des doctrines de Julien. Il nous semble qu’il y aurait eu quelque intérêt à insister davantage sur la partie biographique de l’œuvre, de manière à faire revivre d’une manière plus puissante sous nos yeux l’homme qui un moment a rêvé de détruire le christianisme et de changer le cours des siècles. Il ne faudrait même pas craindre de rapporter les fables qui sont venues s’ajouter à l’histoire : si elles ne font pas mieux comprendre l’homme lui-même elles éclairent d’une vive lumière le milieu dans lequel il a vécu. Ainsi le livre d’Émile Lamé[1], qui a été enlevé si jeune à la philosophie, a sans doute un caractère moins strictement scientifique que celui de M. Naville, mais il nous donne mieux la sensation de la fièvre religieuse et théurgique qui s’était emparée de tout le ive siècle.

Nous regrettons aussi que l’auteur n’ait pas cru devoir entrer, même brièvement, dans l’exposition et l’examen des singulières considéra-

  1. Julien l’Apostat, Paris, Charpentier, 1861.