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nolen.le mécanisme de lange

éprouverait le besoin de définir et de démontrer, au début d’un traité de physique, l’essence de la matière ? Le petit nombre d’observations psychologiques un peu exactes qui ont été faites jusqu’ici ne permet en aucune façon de conclure à l’existence d’une âme quelconque. On n’obéit, en soutenant cette hypothèse, qu’à l’empire ignoré de la tradition, qu’à une protestation secrète du cœur contre les doctrines du matérialisme.

« Les faits autorisent seulement à supposer que (les pensées), ces effets de l’action simultanée des sensations simples, reposent sur des conditions mécaniques, que nous parviendrons peut-être à découvrir avec les progrès de la physiologie. La sensation, et, par suite, toute la vie spirituelle, n’est, à chaque seconde, que le résultat changeant de l’action combinée d’une infinie diversité d’activités élémentaires, associées d’une manière infiniment variée, qui peuvent se localiser en soi : c’est ainsi que les tuyaux d’un orgue se laissent localiser, mais non les mélodies qu’il exécute. »

Il ne résulte pas de là qu’il n’y ait pas, à titre d’explication empirique et provisoire toutefois, d’autre psychologie possible que la psychologie somatique. Stuart Mill a eu raison de défendre contre Auguste Comte le droit à l’existence d’une psychologie indépendante de la physiologie. Comte soutenait que les phénomènes spirituels échappent par eux-mêmes à tout déterminisme, qu’ils doivent leur régularité tout entière aux états physiologiques, dont ils sont les produits ou dans lesquels ils se trouvent enveloppés. Stuart Mill maintenait, au contraire, la légitimité de la psychologie fondée sur le principe de l’association. Voici quelle est l’opinion de Lange sur cet intéressant débat.

« En tant que la doctrine de l’association des représentations peut être fondée sur les données de l’expérience, elle a droit à prétendre au titre de science : qu’on se fasse du dernier fondement des représentations et de leur dépendance vis-à-vis les fonctions cérébrales l’opinion que l’on voudra… Des faits bien constatés et des lois établies par l’expérience gardent leur prix, sans qu’il soit nullement besoin de remonter aux causes dernières des phénomènes. Autrement, on serait également autorisé à rejeter la physiologie des nerfs tout entière, parce qu’elle n’est pas encore ramenée à la mécanique des atomes, laquelle doit pourtant nous donner les principes derniers de toute explication pour les phénomènes de la nature. »

Il n’en faut pas moins reconnaître que, sous le rapport des principes et de l’autorité scientifique des résultats, la psychologie associationniste laisse infiniment à désirer. Lange, entre autres critiques, lui conteste qu’elle ait démontré que l’association des représentations