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analyses.béraud. Étude sur l’idée de Dieu.

chance d’être heureux que s’il ne cherche pas et ne pense pas à l’être : car le bonheur apparaissant toujours à l’imagination comme une somme, ou une masse de plaisirs, il aurait vite appris que ces plaisirs, ceux-là du moins qui sont la récompense de l’activité à la poursuite de ses fins, sont peu de chose au prix des efforts qu’ils exigent ; et il ne tarderait pas à s’enfermer dans une sorte de contentement immobile et replié où s’éteindraient peu à peu, avec l’activité, le bonheur et la conscience même.

La conclusion à laquelle M. Grote est conduit, mais qu’il ne dégage pas nettement, c’est, nous semble-t-il, que la notion du bonheur n’a de valeur et de signification, au moins dans la pratique, que si elle se confond avec celle du devoir. En effet, l’essentielle condition de la vie heureuse, c’est, en définitive, l’activité elle-même, c’est-à-dire la vie, se déployant sous la règle du meilleur. Or cette règle n’est autre chose que la loi morale. Fais ton devoir ; c’est encore par là que tu rencontreras le plus sûrement le bonheur, à la condition que tu ne le cherches pas. — Nous croyons que cette formule est la vraie. Nous pensons même qu’on pourrait aller plus loin et dire : cherche le bonheur, à la condition qu’entre toutes les formes de bonheur qui peuvent s’offrir à ton imagination, tu te proposes toujours de réaliser celle qui est en harmonie avec le devoir, qui en est comme la récompense et l’effet. On peut concevoir une infinité de bonheurs possibles : choisir le plus moral, n’est-ce pas, au fond, choisir indirectement la vie vertueuse, et, à ce point de vue, le bonheur ne revêt-il pas le caractère obligatoire de la loi morale elle-même, avec laquelle pratiquement il se confond ?

Mais s’il en est ainsi, on n’aperçoit pas la nécessité d’établir, comme le fait M. Grote, une séparation profonde entre la science de la vertu et celle du bonheur, l’eudémonique et l’arètique. Cette distinction ne nous paraît pas suffisamment justifiée ; il n’y a, croyons-nous, qu’une science de la morale : celle qui détermine le principe fondamental et les règles secondaires qui doivent diriger l’activité, le but suprême auquel elle doit tendre. Ce but, c’est le bien, qui comprend, indissolublement unis, la perfection morale et le vrai bonheur.

L. Carrau.

P. M. Béraud : Étude sur l’idée de dieu dans le spiritualisme moderne. (Reinwald, 1875.)

« Condenser dans le moins d’espace possible les principales objections qui s’élèvent contre l’existence de Dieu et les preuves les plus importantes de la nécessité et de l’éternité du monde, » tel est l’objet du livre de M. Béraud.

L’introduction fait connaître le point de vue de l’auteur, et oriente