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variétés.pomponazzi et ses interprètes italiens

tantes. Ainsi l’étude des ouvrages de Speroni, l’élève préféré de Pomponace, son collaborateur et son ami, est presque nécessaire à la parfaite intelligence de l’œuvre du maître. Speroni même, comme Contarini, avait discuté avec Pomponace sur la question de l’immortalité et s’était montré son respectueux adversaire. Plusieurs de ses Dialogues sont présentés comme composés d’après ses entretiens avec le professeur. On eût préféré avoir quelques éclaircissements sur ce point, plutôt qu’une énumération consciencieuse de toutes les sottises entassées par Ambrogio Fiandino, Bartolommeo di Spina et autres « fratoni » de l’époque.

Ces défauts et ces lacunes devaient susciter des recherches, de la part de ceux qui n’admettaient pas sans réserves la méthode et les conclusions de M. Fiorentino. Les recherches ont été heureuses, et le résultat en est présenté aujourd’hui par M. Ferri dans un mémoire lu à l’Académie des Lincei.

M. Louis Ferri, ancien élève de notre École normale, écrivain français distingué, est encore des nôtres par la netteté et la tendance analytique de la pensée, par la simplicité et la clarté de l’expression ; actuellement professeur à l’université de Rome, il y expose, dans un cours fort suivi et fort applaudi, des idées qui se laisseraient difficilement enfermer dans une formule, mais qui se rattachent en somme à un spiritualisme très-libéral et très-éclairé. Il est de ceux qui ont, après M. Mamiani, rendu le plus de services à la philosophie italienne, qu’il a fait connaître à notre pays par une remarquable histoire écrite en français et publiée, il y a quelques années, à Paris[1]. C’est un tableau complet des progrès de l’esprit spéculatif en Italie pendant ce siècle ; le sensualisme de Gioja, Romagnosi, Galuppi ; les doctrines partiellement et diversement idéalistes de Rosmini, de Gioberti et de Mamiani, les transformations des écoles hégélienne, sceptique et scolastique qui se partagent aujourd’hui les esprits, y sont longuement et librement étudiés. Un excellent chapitre qui sert de résumé et de conclusion, montre le développement et la direction de la pensée philosophique pendant cette période.

M. Ferri est avant tout un psychologue et un historien ; aussi devrait-il être attiré par l’étude des différentes solutions que le problème de l’âme a reçues pendant la Renaissance. Ses recherches l’ayant conduit à la découverte d’un manuscrit important de Pomponazzi à la bibliothèque Angelica de Rome, il a profité de cette bonne fortune pour reprendre le travail de M. Fiorentino, dans les parties où celui-ci lui semblait incomplet ou excessif, et il présente

  1. Louis Ferri. Histoire de la philosophie italienne au XIXe siècle. Paris, 1868, chez Durand.