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liberté et la nécessité ne sont pas contradictoires ; que la plus haute raison est aussi la liberté la plus parfaite ; et que la nécessité logique, comme la nécessité morale, ne sont que des expressions différentes de la raison. Le second volume contient une analyse particulièrement intéressante des idées de matière et de force. Wigand croit, à la suite de Kant, que l’essence de la matière et de la force nous est inaccessible. À Dubois-Reymond, qui soutient que dans le monde du pur mécanisme tout est parfaitement explicable, il répond que les qualités de la matière, que l’attraction, la cristallisation, par exemple, nous sont incompréhensibles. Mais on pourrait reprocher à Wigand de s’en tenir trop étroitement au subjectivisme de Kant. — Dans le troisième volume, Wigand examine les doctrines des nombreux partisans de Darwin, surtout celles de Wallace, de Nägeli, de Sachs, d’Hofmeister, de Moritz Wagner, de Weismann, de Kerner, de Lubbock, de Virchow, de Preyer, de Fechner, de Hartmann, de Lange, de Bischoff, de Vogt, de Haeckel, de His et de Semper. Il n’y a pas, à vraiment parler, d’école Darwinienne. « C’est la guerre de tous contre tous, » qui se présente au regard de l’observateur. En fait, les Darwiniens ne sont d’accord que pour affirmer que l’homme dérive du singe, et que le monde est le produit de l’évolution. Ils ne s’entendent plus sur le point de savoir si l’évolution est ou n’est pas une vérité d’expérience. Ainsi Virchow reconnaît que la descendance simienne « n’est pas une vérité démontrée, mais un postulat logique et moral ; » ou encore : que les faits paraissent démontrer « l’invariabilité des espèces, mais que la philosophie de la nature exige qu’elles varient. » N’est-ce pas, comme du temps de Schelling et de Hegel, substituer aux. faits les hypothèses « à priori ? »

Nous ne croyons pas nécessaire de signaler au lecteur les exagérations de certaines assertions de Wigand et de Weiss. La critique du Darwinisme, qu’a donnée M. de Hartmann, nous parait bien supérieure à celle que nous venons d’analyser, pour la mesure, le sens philosophique et même la critique scientifique.

Kant et Newton, par Conrad Dieterich. (Tubingue. Laup, 1876).

Dieterich se propose, dans ce livre, de montrer le lien des recherches scientifiques et des études métaphysiques de Kant, et de déterminer ce que ce dernier doit à Newton. Un second ouvrage, que le même auteur nous promet, mettra en lumière le rapport des études historiques et de la doctrine morale de Kant, et suivra le développement de sa philosophie pratique sous l’influence de la philosophie de l’histoire de Rousseau. Voici la conclusion du présent travail de Dieterich : « Les premiers germes et les principes solides de la philosophie de Kant se trouvent dans cette conception de la nature, dont le génie du philosophe allemand doit les premières inspirations au génie du grand physicien anglais. Si Kant est redevable à l’esprit de sa race et au sien, et aussi à l’action tantôt positive, tantôt négative de Rousseau, de cette conception du monde moral, dont il a assuré l’empire sur la conscience de son peuple par l’ascendant de sa personnalité : c’est