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MALEBRANCHE

D’APRÈS DES MANUSCRITS INÉDITS DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE


Il est arrivé à Malebranche ce qui est arrivé à bien d’autres : on s’est attaché au métaphysicien, on a négligé le savant.

On citerait cependant tel passage de la Recherche de la Vérité où, sous forme de conseils, il nous retrace son éducation mathématique[1], tel autre où il accumule les faits avec la profusion d’un psychologue contemporain. On pourrait rappeler une contestation avec Régis sur la grandeur apparente de la lune et une théorie des lois du mouvement abandonnée après une correspondance avec Leibniz[2]. On trouverait parmi ses historiens, Fontenelle[3], qui prétend que la géométrie et la physique conduisirent Malebranche à la métaphysique ; le P. Lelong et M. d’Allemans[4] qui nous apprennent que leur ami traça de sa main les figures pour l’Analyse des Infiniment petits du marquis de l’Hospital et que d’ailleurs les artisans avaient souvent recours à son habileté pratique.

Dans une récente publication de l’abbé Blampignon[5] on trouve aussi plusieurs fragments de lettres très-curieuses, qu’on nous excusera de citer, car ils ont été peu remarqués. C’est d’abord une lettre de l’Hospital : « J’ai travaillé, lui écrit-il, sur les centres de gravité qui est, à mon sens, ce qu’il y a de plus difficile en géométrie ; je vous prierai de vouloir bien m’en dire votre avis, car je réglerai sur cela le jugement que j’en dois porter. » C’est une lettre du chevalier de Louville où celui-ci dit : « Si l’autorité en fait de mathématiques force, ce serait

  1. « Si l’on veut conserver toujours l’évidence dans ses perceptions… on doit d’abord étudier l’arithmétique, l’algèbre, l’analyse, la géométrie simple et composée… on doit se servir de l’analyse pour apprendre la géométrie composée… enfin on s’appliquera aux nouveaux calculs différentiel et intégral, et aux méthodes qu’on en tire pour l’intelligence des lignes courbes qui servent même dans la physique. Par la lecture de ces ouvrages on se mettra en état de faire soi-même des découvertes. » VI, 6, passim.
  2. Elle se trouve à Hanovre et sera publiée probablement par M. Foucher de Careil. Voir du même Lettres et Opuscules inédits de Leibniz. 1er vol., p. 64. Malebranche est cité avec éloges.
  3. Éloges.
  4. Cousin. Fragments de phil. cartés., I, p. 494, 478.
  5. Thèse de doctorat, suivie d’une correspondance inédite.