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nolen.l’idéalisme de lange

de Kant, les matérialistes, qui leur ont succédé dans la faveur publique, n’avaient pas le droit d’oublier que Kant ne se borne pas à la conception scientifique et mécanique du monde. « Alors qu’il affirme que la chose n’est pas si simple, et que nous devons encore tenir compte du monde de nos idées ; alors qu’il soutient enfin que ni le monde des phénomènes ni le monde idéal ne doivent être identifiés avec la nature absolue des choses : est-il juste de négliger, de paraître ignorer une affirmation de cette importance, parce qu’on n’éprouve pas soi-même le besoin de pousser son analyse de la réalité plus loin et plus avant que ne va la science ? »

Lange ne limite point sa tâche au simple rôle d’interprète, de commentateur de Kant. Il cherche dans les découvertes récentes de la géométrie et des sciences physiques, dans les théories mécaniques sur la corrélation des forces et l’évolution des organismes, dans les données de la physiologie des sens, des compléments, des additions, une confirmation nouvelle aux principes du Kantisme. Il ne se contente pas même d’étendre et de compléter l’œuvre du maître : il ne s’interdit pas de la corriger.

Essayons de résumer les traits originaux de ce Néokantisme de Lange.

L’atome et le mouvement, ces deux notions fondamentales du mécanisme scientifique, ont pour caractère commun d’occuper une place déterminée dans l’espace et le temps ; et la critique de Kant a victorieusement démontré que l’espace et le temps ne sont que des formes subjectives de notre sensibilité. Aux arguments de l’esthétique transcendantale, les mathématiciens modernes, Gauss, Riemann, Helmholtz, pour ne citer que les principaux, sont venus ajouter une confirmation inespérée par les recherches de la métagéométrie ou de la géométrie non-euclidienne. Lange défend la valeur de ces spéculations mathématiques, contre les critiques de Lotze et de Dühring. Mais il sait mêler certaines réserves à son adhésion. « Il paraît prématuré de voir avec Riemann dans ces spéculations des arguments positifs en faveur du caractère phénoménal de l’espace. Elles ne font jusqu’ici que démontrer par des raisonnements mathématiques, qu’on peut concevoir une notion plus générale de l’espace, laquelle renfermerait en soi celle de notre espace euclidien comme un cas particulier. »

Si l’espace et le temps n’ont pas de réalité objective, il en faut dire autant de la matière. Lange s’attache à montrer que le développement des théories physiques et chimiques a conduit les savants à mettre de plus en plus en doute la réalité de la matière proprement dite, de l’atome. « Il n’est nulle part aussi évident que dans la chimie