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je n’ai pas l’intention de poser le pied dans ce travail. D’autres transformistes font appel, en faveur de leur thèse, à la loi de continuité, formulée par Leibnitz, et semblent oublier que les applications de cette loi ne sauraient être admises comme valables si on ne les soumet pas au contrôle de l’expérience.

La vie étant réduite à une simple manifestation de la matière, l’unité complète est atteinte dans tous les faits qu’étudie l’histoire naturelle ; reste l’esprit.

Cinquième hypothèse. L’animal n’est que la matière groupée d’une certaine façon, et l’homme n’est qu’un animal présentant quelques caractères spéciaux, de telle sorte que l’esprit n’est que la transformation de la matière.

L’hypothèse transformiste parvenue à ce degré a suscité la protestation d’un des savants qui a été l’un des premiers à l’admettre. M. d’Omalius avait énoncé la doctrine du transformisme, dès 1831, dans ses Éléments de géologie. Dans un discours prononcé plus de quarante ans après, à l’Académie de Bruxelles, il s’est élevé contre des exagérations qui compromettent à ses yeux un système qu’il persiste à juger vrai dans de certaines limites[1].

Expliquer l’univers par les manifestations diverses d’une substance matérielle unique, qui fait seule la réalité de l’esprit humain comme celle du sol et de l’atmosphère, c’est avoir atteint l’unité complète ; mais, si l’hypothèse sous sa quatrième forme n’est vérifiée par aucun fait constaté, l’hypothèse sous sa forme cinquième a tous les faits contre elle. Pour établir la nature purement animale de l’homme, il est nécessaire de faire dériver le langage des voix et des cris des animaux. L’un des principaux chefs de la philologie contemporaine, M. Max Müller, a abordé ce sujet dans un discours prononcé à l’Institution royale d’Angleterre, en 1873. Sans entrer sur le terrain de l’histoire naturelle, et sans contester la valeur que peut avoir le transformisme sur ce terrain, il affirme que les partisans du passage naturel des cris de l’animal à la parole humaine ignorent les résultats de la science du langage. C’est la protestation de la linguistique, par l’organe de l’un de ses représentants les plus autorisés[2] ; c’est un fait grave. Voici qui est plus grave encore : M. Wallace est un des rénovateurs contemporains de la doctrine du transformisme[3]. Il estime que le système doit s’arrêter en présence de

  1. Revue scientifique du 31 janvier 1874.
  2. Lectures on M. Darwin’s philosophy of language delivered at the Royal institution, in march and april 1873. — Voir aussi la Science du langage du même auteur, 9e leçon.
  3. La sélection naturelle, par Alfred Russel Wallace, traduction Lucien de Candolle, Paris, 1872.