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naissance de l’esprit absolu, l’objet suprême de toute recherche intellectuelle. L’histoire en particulier, acquérait une haute valeur, puisque, sous l’apparence d’une succession purement chronologique de faits contingents, c’était en réalité le processus logique de l’idée elle-même dont elle nous offrait le tableau fidèle, en projetant peu à peu la lumière sur les origines les plus reculées de son évolution.

Aussi l’hégélianisme donna-t-il une puissante impulsion aux études historiques ; et la chute même du système proprement dit fut, dans ce domaine, un aiguillon de plus pour ceux qui retinrent le grand principe de l’immanence de l’idée. Car, pour ceux-là, cette chute signifiait que, des deux méthodes suivant lesquelles peut être constituée la science de l’esprit, l’histoire est la seule qui soit à la portée de l’homme.

Parmi les nombreux écrivains que leur éducation hégélienne tourna ainsi du côté de l’histoire[1], et en particulier de l’histoire de la philosophie, l’un des plus éminents est Éduard Zeller, le célèbre auteur de « La philosophie des Grecs considérée dans son développement historique »[2]. Cet ouvrage, le plus considérable qu’ait écrit l’auteur, a été salué, dès la publication du premier volume en 1844, alors que M. Zeller n’avait encore que trente ans, par les éloges du savant Brandis, qui, jouissant déjà d’une grande réputation, se félicita d’avoir à se mesurer avec un pareil adversaire[3]. Depuis lors, l’œuvre de Zeller a été, dans les Revues et la presse, l’objet d’un très-grand nombre d’articles signalant la haute valeur de cet immense travail. David Strauss déclare[4] que la « Philosophie des Grecs » est un monument impérissable. Cet ouvrage, dit-il, allie la science allemande à la sagacité anglaise et à l’élégance française, et dépasse tout ce que l’Allemagne possédait en pareille matière. L’historien récent de la littérature allemande, Heinrich Kurz[5], appelle la publication de la « Philosophie des Grecs » l’un des événements littéraires les plus considérables de notre époque. Non-seulement en Allemagne, mais encore en Angleterre et en France, l’œuvre d’ Éduard Zeller est devenue classique. Un juge aussi compétent

  1. Strauss, Baur, Zeller, Erdmann, Prantl, Kuno Fischer, etc.
  2. Nous avons entrepris la traduction française de cet ouvrage. Le premier volume paraîtra dans le courant de cette année (librairie Hachette).
  3. Zeitsch. f. Philos. u. Spekulat. Theol. hgg. von Dr. J. H. Fichte, 13e vol. (1844), p. 123-141 : art. de Brandis sur le 1er vol. de l’ouvrage de Zeller. — Cf. Jahrbücher d. Gegenw., hgg. v. Dr A. Schwegler, août-oct. 1844 : Die Philos, d. Griechen, mit Rücksicht auf Zeller’s Gesch. derselb., v Dr Wirth.
  4. Die Zeit, ancien journal de Francfort-sur-le-Main, supplém. au n° 222 (20 déc 1861) : art. non signé.
  5. Gesch. d. neuesten deutsch. Lit. von 1830, bis auf d. Gegenw., 1872, p. 920, b.