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analyses.jacoby. Die Idee der Entwickelung.

trois dimensions n’est qu’un cas particulier de cet espace universel, et l’univers est, en fin de compte, un corps incommensurable.

L’idée de temps, à son tour, n’exprime rien de plus que l’évolution indéfinie de ce corps immense. L’astronomie moderne remonte en effet de l’état présent de notre globe aux états antérieurs, jusqu’à l’époque où le soleil était le seul corps céleste de notre système sous la forme d’une vaste nébuleuse. L’expérience, appuyée du principe de causalité, démontre que tous ces états antécédents ont eu pour cause cet état primordial. L’idée de temps répond donc au concept d’évolution, ou de changement d’état nécessaire des corps suivant une direction déterminée.

Le temps étant infini en arrière aussi bien qu’en avant, aucune intelligence n’en saurait découvrir l’acte initial. Ce développement des forces cosmiques a lieu d’ailleurs en dehors de toute finalité, si l’on entend par ce mot un dessein préconçu et réfléchi. Il n’y a point de fin intentionnelle (Zwech) imposée aux choses par une intelligence personnelle ; il n’y a qu’un terme idéal, une fin nécessaire des choses (Ziel), poursuivie aveuglément par la nature et scientifiquement recherchée par l’homme. C’est la différence que M. L. Jacoby établit entre l’Idée et l’Idéal. La nature entière est possédée de l’Idée de transformation et d’organisation, et fatalement elle crée des vivants de plus en plus complets : l’homme seul s’empare de l’Idée par la réflexion, et tend vers l’Idéal. Sous ces deux formes, c’est toujours l’Idée de l’Évolution qui entraîne l’Univers : voilà le germe qui fait fermenter la masse inerte du monde.

Malgré l’obscurité trop fréquente du langage et les lenteurs d’une exposition diffuse, l’ouvrage de M. L. Jacoby est assurément digne d’attention. Nous avons essayé d’en détacher les parties saillantes, les discussions et les conclusions originales ; les unes et les autres répondent à d’importantes questions de sociologie et de cosmologie. Aujourd’hui plus que jamais le problème de l’infinité de l’univers est l’objet des spéculations aussi bien des savants que des philosophes : la doctrine de l’évolution a ramené l’attention des esprits sur ce point capital. Il est remarquable que par une voie toute différente notre auteur soit arrivé à des conclusions également adoptées par l’éminent physiologiste Wundt[1]. De pareilles recherches nous rapprochent sans doute d’une solution finale, et quelque jour un architecte habile saura mettre en œuvre ces matériaux.

A. Debon.

  1. V. la Revue philosophique du 1er février 1877, pages 221-224.