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surface et dépasse les limites de l’image lumineuse excitatrice. Il y a proportionnalité inverse entre l’étendue de l’objet et le minimum perceptible, jusqu’à une certaine limite qui est à peu près celle de l’image rétinienne d’un objet de 2 millimètres de diamètre pour une distance de 20 centimètres de l’œil. Ce chiffre est le même quelle que soit la surface de la pupille (variée de 1 à 90), et par conséquent quelle que soit l’étendue des images de diffusion formées sur la rétine. Le phénomène en question n’est donc point de cause dioptrique, mais physiologique. — Chaque élément rétinien reste constamment solidaire des éléments voisins qui lui communiquent une partie de leur excitation. Ce fait explique pourquoi la fovea, malgré son peu de sensibilité lumineuse, ne fait pas tâche dans le champ visuel. — Malgré l’égale excitabilité des diverses parties de la rétine, sauf le centre, nous exerçons en réalité inégalement ces diverses parties, et ce sont les plus exercées qui sont le moins sensibles.

L’excitation et même la fatigue d’une rétine ne retentissent pas sur l’autre, d’après les expériences de l’auteur. Mais il se produit une illumination apparente de l’œil non excité, c’est-à-dire que l’éclairement d’un œil par une lumière suffisamment vive produit une excitation spéciale du centre psychique commun aux deux yeux. — Pas plus que l’excitation, le repos d’une rétine n’a d’influence directe sur l’excitabilité de l’autre, mais l’excitation d’un œil peut, en rétrécissant la pupille de l’autre, diminuer l’éclairage de la rétine de ce dernier et en augmenter ainsi la sensibilité lumineuse. — Une excitation lumineuse momentanée ne modifie pas la sensibilité des parties rétiniennes voisines. Elle diminue l’excitabilité de ces parties si l’excitation se prolonge, en même temps que l’excitation se propage.

La sensibilité pour les couleurs se comporte tout autrement que la sensibilité pour la lumière blanche. Un seul point commun est le peu de sensibilité de la fovea ; mais sauf cette lacune centrale peu étendue, les couleurs sont d’autant mieux perçues qu’elles tombent sur une région rétinienne moins excentrique, et la sensibilité décroît régulièrement d’une façon continue jusqu’à la périphérie.

Cette différence entre la sensibilité chromatique et la sensibilité lumineuse indiquerait que le cerveau joue un rôle prépondérant dans la perception des couleurs. Cependant M. Charpentier croit probable que le processus chromatique a aussi une origine rétinienne.

La variation de la sensibilité lumineuse suivant l’éclairage ambiant, ou adaptation rétinienne, n’est pas la même pour tous les rayons du spectre. Il y a, dans la production de la sensation lumineuse, une certaine perte de lumière employée à mette en branle l’appareil visuel, et cette inertie vaincue varie suivant la couleur de la lumière excitatrice ; elle augmente dans le même sens que la réfrangibilité des rayons excitateurs.

Les couleurs de petite étendue sont moins bien perçues que les grandes. Le taux de la diminution d’intensité est moins élevé que le