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en a plus, il commet une erreur en moins, et le nombre 2, qu’il se trouve avoir retenu, est inférieur d’une unité au nombre exact, qui est 3 ; si l’enfant en revoyant le troisième jeton dit qu’il n’y en a plus, sa réponse est exacte, et il n’y a pas autre chose à en dire ; si l’enfant dit au contraire qu’il y en a encore, il commet une erreur en plus, qui est comme la contrepartie de l’erreur en moins que nous venons de signaler : seulement, comme on est dès lors obligé de suspendre l’expérience, et de ne plus montrer de jetons à l’enfant, on ignore si cette erreur en plus porte seulement sur une unité ou sur plusieurs ; c’est une réserve qu’il est bon de ne pas oublier.

Pour ne pas embrouiller la mémoire de l’enfant, il est indispensable de ne pas changer chaque fois les nombres, mais de faire une série d’essais sur le même nombre.

Ces expériences peuvent être considérées comme une application de la méthode des cas vrais ou faux, avec cette circonstance toutefois que, dans chaque expérience, les chances d’erreur sont supérieures aux chances de réponse juste, car si l’enfant doit par exemple retenir

le nombre 3, comme il peut indiquer les nombres 1, 2, 3, 4., le calcul des probabilités indique, pour les erreurs dues au hasard, la proportion 3/4, et pour les réponses justes dues à la même cause, la proportion 1/4, c’est-à-dire que les réponses justes sont aux réponses erronées dans le rapport de 1 à 3.

Une dernière remarque : dans nos expériences précédentes, c’était par un acte de comparaison que l’enfant manifestait sa faculté de percevoir les nombres ; ici, le procédé est différent ; l’enfant prouve qu’il peut percevoir un nombre d’objets en le reconnaissant, c’est-à-dire en faisant intervenir un acte de mémoire.

Les résultats sont inscrits dans les tableaux suivants. La première colonne indique les nombres d’objets présentés à l’enfant et la seconde les nombres retenus.

Malgré la différence des procédés d’étude, ces nouvelles recherches confirment entièrement les précédentes en nous montrant sur nos deux petits sujets que la perception des nombres se fait dans des limites très restreintes. On peut facilement fixer cette limite pour Madeleine au nombre 4, puis, au bout de quelque temps d’exercice, au nombre 5. Pour Alice, la limite est moins élevée, et elle ne reconnaît avec sûreté que le nombre 3.

Nous remarquerons qu’il n’y a pas de transition graduelle entre les nombres que ces petites intelligences peuvent retenir. Ainsi, l’un de ces enfants peut retenir le nombre 3 ; il ne se trompe pour ainsi