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a. binet. — perception des longueurs et des nombres

se trompe 1 fois. Avec le rapport de 21 à 22, sur huit essais, l’enfant répond juste 4 fois et se trompe 4 fois.

Il résulte donc de ces premiers faits que cette petite fille, qui ne sait pas compter jusqu’à 4, est cependant capable de comparer 17 unités à 18 unités, et de trouver très facilement que le groupe de 18 unités est supérieur à l’autre. L’exactitude avec laquelle se fait cette comparaison est une confirmation des expériences que nous avons faites plus haut sur la perception des longueurs. Nous reviendrons du reste un peu plus loin sur ce sujet.

Pour le moment, il faut se demander comment l’enfant peut comparer des collections d’unité, sans les compter. Mon avis est qu’elle en a la perception d’ensemble, la perception en masse, et que si elle juge que tel groupe est plus nombreux que l’autre, c’est qu’il occupe plus de place sur le papier où il se trouve. Il n’y aurait donc point, à proprement parler, numération, c’est-à-dire perception d’une grandeur discontinue. L’idée de cette explication, que je donne tout de suite, m’est venue au cours des expériences suivantes, que je vais maintenant exposer. J’avais en réserve une collection de jetons verts plus petits que les blancs ; plus exactement, les jetons blancs ont quatre centimètres de diamètre et les jetons verts en ont deux et demi ; j’eus l’idée de substituer 18 jetons verts aux 18 jetons blancs ; le groupe total occupait une surface plus petite, et lorsque j’essayai de faire comparer à l’enfant ce groupe à celui de 16 jetons blancs, il se trompa constamment ; il était cependant capable, comme nous l’avons dit plus haut, et comme je m’en assurai encore une fois, pour plus de sécurité, de comparer deux groupes de 16 et de 18 jetons blancs de même diamètre, et de reconnaître le groupe le plus nombreux. Il me parut évident que s’il commettait une erreur dans sa comparaison entre deux groupes formés de jetons de grandeur différente, cela tenait vraisemblablement à ce que les dimensions totales des groupes devenaient différentes ; le groupe des 18 jetons verts occupant une surface moins grande que le groupe des 16 jetons blancs.

Je suppose donc que l’enfant avait machinalement, et bien entendu sans s’en rendre compte, substitué la perception d’une grandeur continue à celle d’une grandeur discontinue, bien qu’il continuât cependant à indiquer qu’il cherchait à percevoir des nombres. La phrase enfantine qu’il employait était toujours la même : « là, disait-il, en indiquant du doigt un des groupes, il y en a plus qu’ici ».

J’essayai alors de bien expliquer à l’enfant qu’il se méprenait sur ce que je lui demandais ; et je me fis clairement comprendre en lui montrant deux groupes formés, l’un de 3 jetons verts, et l’autre de 2 jetons blancs ; l’enfant, saisissant parfaitement mon explication,