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de discrimination du même enfant s’était montré à peu près équivalent, puisque nous avions admis que Madeleine peut être sensible, en comparant deux longueurs, à une différence égale à 4/40 de la plus petite. C’est avec une véritable satisfaction que j’ai constaté cet accord final de recherches poursuivies dans des voies tout à fait différentes, et je considère maintenant comme tout à fait établi qu’il existe chez Madeleine — et probalement chez d’autres enfants âgés de quatre ans comme elle — une finesse de perception remarquable. À cet égard, Madeleine diffère bien peu d’un adulte.

Je sais bien que les comparaisons entre l’enfant et l’adulte ont quelque chose d’artificiel et de schématique, car ce qu’on appelle l’individu adulte ne répond pas plus à un type unique et bien tranché que ce qu’on appelle l’individu sain. Ainsi que je l’ai rappelé plus haut, tel adulte peut distinguer 1/40 du plus petit angle ; tel autre 2/40, tel autre 3/40 seulement ; auquel de ces individus faut-il comparer l’enfant ? Pour bien faire, il faudrait attendre que l’enfant qu’on étudie fût devenu lui-même un adulte, afin de le comparer à lui-même à diverses étapes de son évolution ; on pourrait ainsi déterminer avec exactitude l’influence de l’âge sur les perceptions. En attendant que je puisse faire cette comparaison, je prends le chiffre moyen de l’adulte, qui est égal à 2/40 du plus petit angle, et c’est à ce chiffre moyen que je me permets de comparer le résultat des expériences que je viens de résumer. Or, il est évident que la différence de 2/40 à 3/40 est tout à fait minime, et qu’elle ne saurait exprimer en aucune façon le rapport qui existe entre l’intelligence d’un adulte et celle d’un enfant. Dans le cas où l’on parviendrait à mesurer l’intelligence, c’est-à-dire le raisonnement, le jugement, la mémoire, le pouvoir d’abstraction, ce qui ne me paraît pas absolument impossible, le chiffre qui exprimerait le développement intellectuel moyen d’un adulte présenterait un rapport tout autre avec le chiffre exprimant le développement intellectuel de l’enfant.

Si j’insiste sur ces faits, c’est qu’ils me paraissent complètement nouveaux, et je n’en ai pas trouvé la moindre mention dans les ouvrages de psychologie infantile que j’ai pu consulter. Je me permets donc de signaler ce sujet de recherches aux observateurs futurs ; il serait important de savoir si j’ai eu affaire à un cas régulier ou exceptionnel ; pour le moment, je me borne à signaler l’in-