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a. binet. — perception des longueurs et des nombres

sieurs erreurs, ce qui tenait simplement à ce que son attention n’était pas bien fixée, comme la suite le fit bien voir ; car, deux jours après, reprenant ces expériences, je vis avec une véritable stupéfaction qu’elle pouvait parcourir les quatre premiers tableaux, comme l’avait fait sa sœur, sans commettre une seule erreur. On n’attribuera pas ce résultat au hasard, car le nombre total des lignes contenues dans ces quatre tableaux est de 32 ; or si le sujet devinait toutes les fois, il est bien probable qu’il se tromperait un certain nombre de fois sur une série aussi longue. Du reste j’ai pu soumettre la petite fille au même contrôle que son aînée (le renversement des tableaux) sans lui faire commettre d’erreur. Rien n’était plus curieux que de voir cette enfant de deux ans et demi placer avec assurance son index successivement sur chacune des deux lignes en disant chaque fois sans se tromper : » Ça, c’est la plus petite ; ça, c’est la plus grosse », comme s’il n’avait pas suffi d’en indiquer une. Comme sa sœur aînée, la petite fille ne commence à commettre d’erreur que lorsqu’on lui fait comparer les lignes du tableau 5. Le rapport 38/40 constitue donc, pour elle aussi, une limite.

Les quelques personnes que j’ai rendues témoins de ces expériences ont surtout été étonnées de la rapidité avec laquelle ces enfants reconnaissent la ligne la plus longue ; il n’y a pour ainsi dire pas d’hésitation. Du reste, c’est chose bien connue que le petit enfant ne sait pas réfléchir, retenir son jugement ; donc, si l’enfant ne pouvait pas percevoir la différence des longueurs au premier coup d’œil, il ne la percevrait pas du tout.

J’ai cherché ensuite sur ces mêmes enfants s’ils pourraient comparer deux lignes qu’on ne leur montrerait pas simultanément, mais successivement, en laissant écouler 10 ou 15 secondes entre les deux perceptions. J’ai obtenu des résultats assez confus, qui me paraissent tenir surtout à ce que l’expérience exige pour réussir un effort d’attention que l’enfant ne se soucie pas de faire. En effet, pour qu’on puisse comparer avec exactitude une longueur à une autre longueur qu’on a vue 15 secondes auparavant, il faut que pendant cet intervalle de 15 secondes on cherche à retenir le souvenir de la première longueur ; c’est ce qu’un enfant n’est pas toujours disposé à faire. Nous nous heurtons ici à cet écueil du défaut d’attention auquel j’ai fait allusion plus haut.

Ces expériences ont eu cependant l’avantage de me révéler une cause possible d’erreur. Je montrais tour à tour deux lignes de longueur différente tracées sur deux feuilles de papier. L’aînée des deux petites filles arrivait très exactement, chaque fois, à désigner