Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/573

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
555
ANALYSES. — j. drummond. Philo Judæus, etc.

Blanc, dans cette phrase, n’est-il pas le nom d’une couleur, le nom d’un attribut ? N’est-il pas un terme abstrait ? M. S. se donne la peine d’accumuler les arguments contre une pareille objection. Il eût peut-être suffi de répondre : « Si la manière de parler en question était légitime, blanc serait l’attribut de couleur, qui, de son côté, est l’attribut de neige : ce qui est mille fois insensé. En réalité, la phrase invoquée est une abréviation de celle-ci, qui seule exprime correctement la pensée : La couleur de la neige est la couleur blanche, la blancheur. » Mais passons. L’important, pour M. S., est qu’on admette avec Mill que le nom concret et le nom abstrait se distinguent l’un de l’autre en ce que, tout en dénommant le même attribut, ils le désignent, l’un immédiatement (blancheur), l’autre médiatement (blanc).

Rien de plus facile, maintenant, à M. S. que de montrer l’étroite liaison de cette opinion avec sa propre théorie. La chose identique, à laquelle se rapportent et le concret et l’abstrait, est conçue, dans l’abstrait, sans être diminuée, atténuée, affaiblie, par aucun rapport supérieur ; dans le concret, c’est un rapport supérieur qui est prédominant, le rapport du groupe des qualités à l’une d’elles, le rapport de l’objet à l’un de ses attributs. Le mot blanc, comme dit Mill, dénote l’objet, il ne fait que connoter l’attribut. Dans le concret, la représentation de tel attribut est comme submergée sous celle du groupe de tous les attributs. Ainsi l’abstrait et une partie tout au moins du concret sont identiques. Seulement l’un est un élément plus fort de notre conscience. Mais une augmentation ne va pas sans une diminution correspondante. C’est l’ensemble du concret, c’est l’objet, qui fait les frais de la diminution. L’abstrait, en un mot, est le concret augmenté en intensité, mais diminué en contenu. C’est là, on le voit, tout simplement la conclusion du premier chapitre, mais exprimée, pour ainsi dire, non plus au point de vue dynamique, mais au point de vue statique. Étant donnée l’abstraction, qu’est-ce que l’abstrait, son produit ? Un long chapitre n’était pas, ce semble, nécessaire pour le découvrir.

En un mot, des deux chapitres dont se compose la brochure de M. S., le premier nous paraît excellent, et très propre à faire avancer la théorie de l’abstraction. Quant au second, nous n’avons pas pu en saisir l’utilité ; et nous ne comprenons pas ce qu’il ajoute au premier. Peut-être est-ce de notre faute plutôt que de celle de l’auteur.

Henri Muller.

James Drummond L. L. D. Philo Judæus or the jewish Alexandrian philosophy in its development and completion. (2 volumes, 359-355 pages, chez Williams et Norgate, Londres.

On sait que, sous l’impulsion de V. Cousin, auquel l’éclectisme alexandrin ne pouvait être indifférent, l’école grecque d’Alexandrie a été, en France, l’objet de travaux considérables. Il est très regrettable qu’on ait presque complètement laissé de côté l’école allégorique juive