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ANALYSES. — th. flournoy. Métaphysique et psychologie.

festations parallèles d’une même substance, etc. Sa critique est souvent juste, toujours ou presque toujours vive, nette et précise.

D’ailleurs je ne puis accepter ses conclusions. Je crains toujours que nous ne prenions un certain plaisir à nous forger des mystères et des problèmes insolubles pour nous émerveiller ensuite à leur contemplation. Cependant il y a avec les difficultés réelles de la science de quoi contenter les plus difficiles, mais nous aimons non pas tant à reconnaître notre impuissance actuelle qu’à marquer des bornes à l’esprit humain : nous voulons mettre un savoir précis jusque dans notre ignorance. L’inconnaissable a de grands attraits et flatte ce qui nous reste d’un sens religieux qui pourrait mieux s’exercer. M. de Roberty réagissait dernièrement avec raison contre de récentes doctrines. En ce qui concerne le point particulier traité par M. Flournoy, il semble que l’on se plaise à obscurcir la question. On pose d’un côté les phénomènes physiques, de l’autre les phénomènes psychiques, et l’on tâche de les séparer autant que possible. On ne remarque pas que les phénomènes physiques eux-mêmes se séparent en autant de catégories irréductibles que nous avons de sens et que le rapport entre le mouvement senti par le tact et le mouvement perçu par la vue est aussi inconcevable que le rapport entre le mouvement perçu soit par la vue, soit par le tact, et la pensée qu’on pourrait appeler, en un sens, un mouvement moléculaire cérébral perçu par le sens interne. Le mystère apparent provient de ce que, au lieu de rechercher des rapports de concomitance, de succession, de finalité entre les phénomènes, on cherche, en ce qui concerne les phénomènes psychiques, à les rattacher aux phénomènes physiques par je ne sais quels liens particuliers de causalité métaphysique ; naturellement on n’y peut arriver, pas plus qu’on n’y arriverait pour les phénomènes physiques. Mais comme lorsqu’il s’agit simplement de ceux-ci on a renoncé à cette recherche, et que l’on n’y pense même guère plus, il semble que les phénomènes psychiques présentent des difficultés particulières. Ces difficultés disparaissent dès qu’on traite les phénomènes psychiques par les mêmes méthodes générales que les autres. En fait, les corps sont des groupes de sensations réelles ou possibles, parmi lesquelles les sensations tactiles et visuelles sont les plus fondamentales, les plus essentielles, celles sans lesquelles la matière est difficilement concevable ; les autres qualités de la matière, le son, le goût, l’odeur, nous apparaissent comme liées à certaines formes des premières. Toutes ces qualités plus ou moins fréquemment perçues, et dont l’importance doit varier d’un être à l’autre avec le degré de développement de tel ou tel sens, sont associées, mais parfaitement irréductibles les unes aux autres, au sens où l’on dit que la conscience est irréductible à la matière. La conscience, la sensation, le fait subjectif, n’est qu’un nouveau phénomène qui vient s’ajouter aux autres, en certains cas, et qui est lié, comme tous les autres, à une forme particulière des autres sensations ; le complexus est plus riche en ce cas, voilà tout. La