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science et à perfectionner l’univers. Il faut avouer aussi que la théosophie, malgré ses défauts, le vague de sa doctrine, et surtout le manque de certitude scientifique de ses phénomènes, paraît au point de vue philosophique, supérieure au spiritisme.

Remarquons bien que, s’il se mêle à ces croyances la foi, l’enthousiasme, le mysticisme enfin, qui accompagnent rarement les croyances purement scientifiques, la théosophie et le spiritisme n’en ont pas moins la prétention d’être des sciences, des sciences longues et difficiles. J’ai parlé tout à l’heure de moyens faciles de connaître le monde et d’agir sur lui : il faut prendre ces mots dans un sens relatif. Un homme qui dans le cours de sa vie peut parvenir à l’adeptat, acquiert ainsi une puissance que des siècles d’études physiques et chimiques ne donneraient pas à l’humanité ; mais cet homme doit suivre un enseignement pénible et long et, on ne nous le cache pas et même on nous le dit volontiers, cet homme risque la folie et la mort, si ses facultés ne sont pas en rapport avec son ambition. Le besoin de connaissances précises, de recherches minutieuses s’allie donc au désir de connaissances générales, de connaissances du mystérieux, et d’une puissance, non pas de faire des miracles (le miracle, s’il est admis par quelques théosophes, ne l’est pas par tous, il s’en faut), mais d’agir sur le monde par des procédés plus efficaces, plus prompts que ceux de la pratique courante, et entièrement différents de ceux-ci.

La philosophie n’a pas les mêmes prétentions que la théosophie. Cependant nous pouvons bien constater chez elle quelques tendances qui s’accordent avec celles que nous venons de reconnaître. Le but avoué de la philosophie étant d’ailleurs l’unification des connaissances, la systématisation de la pratique, il n’est pas étonnant que l’on ait toujours rencontré chez elle un des caractères généraux de l’esprit nouveau ; mais ce qui nous intéresserait surtout, ce serait un retour de la philosophie vers un certain mysticisme, vers des succédanés de la religion, ou même vers des religions véritables ; les exemples n’en ont pas manqué dans le courant du siècle, ils peuvent nous servir à la fois à indiquer la persistance et la force des tendances comprimées qui se réveillent aujourd’hui et aussi la différence entre ce qu’étaient ces tendances et ce qu’elles sont devenues. Un fait intéressant à cet égard est, la tentative d’Auguste Comte aboutissant à la religion de l’humanité et à la méthode subjective. Ici la tentative de systématisation théorique et pratique est reconnue par son auteur, la méthode subjective ayant pour but avoué de ranger toutes nos connaissances dans l’ordre qui permettra à l’humanité d’en tirer parti, de déterminer quelles sont les connaissances qui peuvent