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M. Charcot paraissent en avoir été l’origine, non que les phénomènes hypnotiques fussent inconnus avant lui, mais il les a fait entrer officiellement dans la science, et le mouvement occasionné par lui a contribué à faire connaître ses devanciers, et aussi ses adversaires, et même à produire la doctrine de ces derniers.

Sans doute cette vogue du magnétisme ne va pas directement contre l’ensemble d’idées dominantes dont je parlais tout à l’heure ; cependant ce serait se tromper que de ne voir aucun rapport entre les deux. Quelle que soit la valeur de l’hypnotisme, et bien que la science l’ait admis, cependant une partie des tendances qui l’ont remis en faveur sont des tendances opposées à ce qu’on a appelé « l’esprit scientifique ». Ce n’est pas simplement l’amour du fait positif qui a entraîné les esprits, il y a eu certainement une sorte de revanche de l’amour du merveilleux, de désirs autrefois satisfaits et qui, comprimés à présent, sommeillaient inavoués à l’état latent. La magie, la sorcellerie, l’astrologie, la divination, toutes ces antiques croyances correspondent à un besoin de la nature humaine, celui de pouvoir agir facilement sur le monde extérieur et sur le monde social, celui d’avoir, par des moyens relativement aisés, les connaissances requises pour que cette action soit possible et féconde. L’homme a tant de désirs qui ne se satisfont pas et qu’il est obligé d’apaiser par des rêves, des romans, de la musique, toutes les ressources de l’imagination. Il a souvent besoin d’une croyance qui le console de la réalité en lui promettant une réalité meilleure, obtenue sans souffrance et rapidement ; c’est là une des grandes sources de l’amour du merveilleux sous toutes ses formes. Il y a là à la fois un besoin philosophique et un besoin moral, le besoin de connaître les forces naturelles, d’agir sur elles pour satisfaire nos désirs, c’est-à-dire pour mettre le monde en harmonie avec nos tendances et, comme nos tendances aussi font partie du monde, pour introduire l’harmonie dans le monde, en un langage mystique le besoin d’être en communion avec le principe des choses, puisque c’est avec lui ou par lui que nous pouvons agir. Sans doute l’hypnotisme ne paraissait pas devoir donner immédiatement tout ce qu’on aurait aimé trouver en lui ; mais les faits que les savants observaient à présent et faisaient connaître, ressemblaient étrangement à ces phénomènes mystérieux attribués aux fondateurs de religions, aux saints, aux thaumaturges, aux sorciers ; par une association d’idées bien naturelle, il devenait une sorte de succédané des croyances éteintes ou assoupies. Une porte paraissait ouverte sur le domaine de la science et du pouvoir : on s’y précipita.

Ce désir de l’harmonie dans le monde, d’une harmonie non seu-