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fr. paulhan. — le nouveau mysticisme

II

Il arrive que tel ou tel travail scientifique a pour effet une série de faits sociaux, de croyances, de désirs et d’actes, qui, sans aller toujours directement contre le sentiment qui les a provoqués, s’inspirent d’une idée complètement différente et prennent une direction divergente et même opposée. Nous avons déjà remarqué la différence entre les vues de Darwin sur la sélection naturelle et la philosophie de la lutte pour l’existence telle qu’elle s’est vulgarisée, les idées et les sentiments qui en sont sortis. D’autres faits sociaux de même genre indiquent des tendances générales tout à fait différentes.

Il y a dix ans, M. Charcot, expérimentant sur les malades de la Salpêtrière, reproduisit un certain nombre de phénomènes dont l’existence était jusque-là contestée et négligée par la plupart des savants et que seuls des magnétiseurs de profession, des amateurs relativement rares et isolés et quelques médecins, sans doute utiles mais peu remarqués, se permettaient de produire. Plusieurs courants d’idées prirent naissance et se répandirent aussitôt. Les esprits sages se tinrent sur la réserve, observant sans conclure, attendant pour tirer des conséquences que les faits fussent mieux connus, plus variés, plus précis, espérant cependant des résultats de ce nouveau mode d’investigation psychique, ou de cette thérapeutique nouvelle ; quelques autres eurent cette idée imprévue que les magnétiseurs étaient à présent complètement démasqués et que l’on ne parlerait plus de leurs jongleries ; les anciens adeptes haussèrent un peu les épaules, mais l’hypnotisme entra définitivement dans la science et un grand nombre d’incrédules furent convaincus. Ceux qui jusque-là avaient observé des phénomènes sans rien dire, doutant peut-être d’eux-mêmes et sûrement des autres, publièrent leurs observations ; ceux qui avaient déjà parlé ou écrit bien ou mal sur la question recommencèrent et trouvèrent des auditeurs et des lecteurs. Le magnétisme fut en vogue, les écoles se multiplièrent ; les faits ont abondé, plus ou moins singuliers, plus ou moins suggestifs, plus ou moins bien observés ; les théories, plus rares, ne manquèrent pas cependant, l’application de l’hypnotisme à la médecine fut fréquente, avec des résultats variables ; son application à la psychologie, fréquente aussi, a rendu à la science des services incontestables. On peut trouver que la pratique de l’hypnotisme s’est trop vulgarisée ; il est question de la régulariser et de la restreindre ; il y a eu, il y a encore un engouement véritable qui passera sans doute ou qui diminuera, mais qui laissera des traces importantes. Les travaux de