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fr. paulhan. — le nouveau mysticisme

des sciences physiques et naturelles, où l’on a continué à regarder certaines opinions comme réellement vraies et d’autres comme réellement fausses. Dans le domaine des sciences religieuses, elle marqua, en somme, une réaction légitime à la fois contre les excès des apologistes et contre ceux des détracteurs de la religion, et ses propres excès étaient rendus très excusables par la difficulté d’échapper à l’influence des croyances religieuses ou irréligieuses dans la simple constatation des faits et, à plus forte raison, dans leur appréciation même limitée. Mais il fallait reconnaître hautement que, à côté de l’étude historique des religions, des croyances quelconques, des habitudes, etc., il y a place pour une autre étude qui en détermine la valeur spéculative et morale. Étudier la genèse d’une religion, préciser les facultés morales d’un peuple sauvage ou celles de tel ou tel de nos concitoyens est une bonne chose, c’est la condition de l’histoire des religions ou de la morale, mais il est important de savoir aussi si telle religion, dans laquelle presque tous nos enfants sont encore élevés, doit être réellement tenue pour vraie, si telle ou telle faculté psychique est nuisible ou utile dans tel ou tel état social donné, si tel ou tel acte doit être commis ou défendu. Le parti pris de considérer le vrai et le faux, le bien et le mal, comme des caractères sans importance, et purement transitoires, ou comme des côtés des choses qui nous resteront toujours ignorés et qu’il est un peu puéril ou arriéré de rechercher, ce parti pris ne peut exercer qu’une influence dissolvante sur les croyances, que l’on considère cette influence comme bonne ou comme mauvaise, ou comme tantôt bonne et tantôt mauvaise, ou encore, selon les principes de l’école, comme un fait historique qu’il faut simplement constater.

À côté de ces raisons ou symptômes généraux que j’indique, on en trouverait d’autres nombreux sur lesquels je n’insiste pas. Signalons par exemple, en littérature, ce dédain complet de tout ce qui n’est pas leur art de prédilection, dont Flaubert et d’autres auteurs vivants ont été de si parfaits modèles, cette indifférence complète pour la moralité, même pour l’agrément d’une œuvre, qui fait considérer l’œuvre d’art comme une chose absolument à part dans la société, sans relation aucune avec aucun intérêt, même avec aucun autre sentiment qu’un sentiment esthétique très particulier, très rare, très isolé, indifférence qui peut très bien s’allier en pratique avec l’excitation involontaire, inconsciente peut-être, de sentiments peu élevés, grossiers, vulgaires ou dépravés, mais très utile au succès de vente de certains ouvrages. Ici encore nous trouvons ce parti pris de considérer à part de tous les autres des faits dont les ramifications sont innombrables et qui tiennent aux phénomènes les plus importants