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fr. paulhan. — le nouveau mysticisme

duite, une base de croyances qui donne à la fois l’unité à nos connaissances et à nos actes, une doctrine coordonnée qui nous permette de comprendre le monde et l’homme, et non seulement de les comprendre, mais d’agir sur eux et d’agir sur eux dans un sens déterminé. Il ne s’agit pas ici d’une tendance purement philosophique, mais d’une tendance philosophique et pratique à la fois, et qui a pour objet, au moins chez un grand nombre de ceux qu’elle dirige, non seulement l’homme considéré comme individu, mais surtout la société humaine et même l’univers entier. La recherche de cet idéal n’est pas seulement une satisfaction de l’esprit, elle est dirigée par des sentiments généraux, vagues et puissants, nés de ce besoin général d’harmonie qui est, après tout, le fond de l’esprit humain. Il est probable aussi que, dans beaucoup d’esprits, les anciens sentiments religieux, froissés, comprimés, en partie dissous par l’esprit scientifique et la philosophie contemporaine, tendent à apparaître de nouveau sous une forme différente.

Ainsi l’esprit scientifique, l’esprit religieux, la pitié pour la souffrance, le sentiment de la justice, le mysticisme social, l’attrait de faits mystérieux, dangereux peut-être, que nous commençons à entrevoir, l’espèce de puissance nouvelle que leur connaissance peut nous donner, un besoin général d’harmonie universelle : telles sont les principales parties de l’esprit qui se forme. Ces éléments sont loin d’être tous nouveaux, mais jamais peut-être ils n’avaient acquis autant de force, et ne s’étaient trouvés aussi directement en contact, dans un tourbillon social aussi apte à les rapprocher, à les heurter, à les combiner, jamais leur combinaison n’avait donné le produit qu’elle peut donner aujourd’hui. Cette sorte d’opération chimique intellectuelle et sociale qui s’accomplit sous nos yeux s’impose à notre étude, nous allons tâcher de déterminer les circonstances qui ont amené la situation actuelle, ensuite les principaux éléments’de l’esprit nouveau et leurs différentes manifestations. Enfin nous essayerons de déterminer sa valeur logique, son avenir possible.

I

Parmi les causes d’une croyance, il faut compter tous les faits qui lui viennent en aide directement : les croyances analogues déjà émises, les besoins intellectuels ou moraux auxquels elle répond, les désirs naissants ou comprimés jusqu’ici qui peuvent tirer d’elle quelque satisfaction, mais il faut compter aussi les circonstances qui nous paraissaient aller directement contre elle. Il se produit dans les sociétés des phénomènes tout à fait analogues à ceux du contraste psycholo-