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LE NOUVEAU MYSTICISME


Nous assistons actuellement, si je ne me trompe, à la formation d’un esprit nouveau, j’entends d’une nouvelle manière générale de considérer l’homme et le monde, d’un ensemble logique d’idées, de croyances et de sentiments, et cet esprit, qui est loin d’avoir encore sa forme définitive, paraît devoir différer notablement de celui qui l’a précédé, et ce qui est naturel, lui être, à certains égards, exactement opposé. En ce moment, les éléments qui doivent le composer sont en présence ; de grands courants d’opinions, d’émotions, de croyances naissent et se répandent, s’associent parfois et parfois s’ignorent ou se combattent. D’une part, un mysticisme qui, loin de repousser l’appui de la science, le recherche volontiers, envahit quelques esprits attachés à ces phénomènes obscurs et troublants qui marquent la limite actuelle de nos connaissances, ou pénètrent déjà dans le domaine des sciences occultes que la science positive, en élargissant le sien sans cesse, semble pouvoir envahir et éclairer ; un mysticisme d’une autre nature est né de la contemplation de la souffrance humaine : au pessimisme railleur, révolté ou simplement froid et scientifique, succède un pessimisme attendri et actif ; les imperfections de l’état social, ses vices essentiels ont déterminé la formation de nouvelles écoles économiques dont l’importance s’accroît, et où les idées générales et les sentiments généraux tiennent une grande place ; d’autre part enfin, nous sommes de plus en plus convaincus que toute effusion sentimentale qui ne s*accompagne pas de connaissances précises court grand risque de rester sans efficacité ; la science, l’esprit scientifique, la précision dans les faits, la minutie dans l’analyse, la rigueur dans la synthèse sont pour nous les seuls moyens d’arriver à des résultats sérieux, soit en théorie, soit en pratique. Par-dessus tout cela, une tendance plus générale encore se manifeste qu’il serait assez juste d’appeler un besoin religieux si le mot ne risquait d’être mal compris, ou un besoin moral, et qui est un désir pressant, aigu, de se rattacher à quelque chose de supérieur, de trouver un principe de con-