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ne viendrait pas échouer trop tôt dans ses recherches devant une trop grande incertitude, j’entends devant une valeur telle de l’écart probable qu’elle dépasserait l’excédent.

Il ne nous reste donc plus qu’à examiner le croisement des deux divisions, l’une, d’après l’unité de mesure, l’autre, d’aprrs les résultats, pour épuiser les six combinaisons possibles entre les quatre subdivisions de l’axiologie.

Si l’on accepte des axiologies esthétique, morale et religieuse comme des branches séparées, à côté des axiologies eudéiiionologique et téléologique, la première mènerait avant tout à un optimisme esthétique ; la seconde, au pessimisme moral de la colère ; la troisième, au pessimisme religieux de la damnation. Toutefois ce triple résultat doit être pris dans un sens, non pas absolu, mais comparatif. Une estimation esthétique du monde, pour peu que l’on s’aveugle suffisamment sur l’existence des choses non belles ou laides, se complaît dans la beauté dominante de la nature. Une estimation morale élémentaire des hommes et de leur organisation s’emporte très vite contre l’excès de bassesse, d’égoisme, de vanité, d’inconsidération, de sensualité et d’immoralité des hommes, et contre l’imperfection et le manque de perfectibilité ou de constance relevés dans les différentes organisations sociales. Mais ici encore il faut accepter, à titre d’exception, l’existence de la grandeur morale, de la dignité, du sacrifice, de l’abnégation, de la résignation et des sentiments nobles. Une estimation religieuse superficielle des hommes, qui prendrait les signes extérieurs de la religiosité, le cléricalisme et la profession de foi purement verbale, pour la foi véritable, pousserait très vite aux récriminations contre l’impiété et la corruption du monde, à l’anathème contre les irréligieux et les dissidents, à l’inquisition pharisaïque, h l’estime exagérée d’un bigotisme tout extérieur. Elle trouverait la justification de son pessimisme de la damnation dans les passages de la Bible concernant la route large et la route étroite, et la porte ou grande ou petite ; mais elle trouverait en revanche dans le petit nombre des élus un remède contre un pessimisme absolu.

Une simple considération nous empêche d’accorder une valeur exagérée à ces unités et à leurs conséquences, à savoir que la beauté d’un phénomène n’existe que pour les autres et non pour le sujet dont elle ne touche pas l’être, que les états moraux et religieux, si vai’iables dans l’humanité, ne nous sont connus que pour un temps très court, et que tout pessimisme religioso-moral est vaincu par un optimisme téléolo-évolutionniste, pour peu que ce dernier reçoive créance. Si, au contraire, l’axiologie téléolo-évolutionniste devait